Applaudissements, promesses, reconnaissances, le soutien aux professionnels de santé a été marquant lors des deux premiers confinements. Parmi ces acteurs en première ligne, certains ont, comme souvent, été oubliés : les professionnels de l’aide à domicile. Oeuvrant dans l’ombre de la vieillesse, ils sont portés par une vocation à huis clos chez les plus âgés. Une population elle aussi totalement mise de côté, voire discriminée. Invisibles dans la cité, délaissés des politiques, transparents parmi les invisibles, aides à domicile et personnes âgées, peinent à se faire entendre.
Les mains se rident, le dos se courbe et les cheveux des Français blanchissent au fur et à mesure que l’espérance de vie augmente : plus de 80 ans aujourd’hui contre 47 ans en 1900. La population française est vieillissante, et pour une part, en perte d’autonomie.
Des personnes âgées qui doivent être accompagnées dans les gestes de la vie quotidienne, que ce soit à domicile ou en structure. Ces seniors qui ont besoin de soins ou d’une aide préfèrent le plus souvent rester chez eux. Selon l’enquête «Domicile & citoyen», 83% des Français disent vouloir vieillir à leur domicile. Un souhait correspondant à la réalité puisque seul 10 % des plus de 75 ans vivent en institution.
La prise en charge à domicile concerne donc la majorité des Français, qui, pour continuer à vivre chez eux malgré leur perte d’autonomie, une maladie ou un handicap, ont recours à un service d’aide à domicile.
Travailler dans l’indifférence
En France, elles sont 177 000 auxiliaires de vie à accompagner chaque jour les plus âgés. Un métier largement féminin, essentiel et pourtant très mal connu. « Il y a une réelle incompréhension de nos métiers », raconte Dafna Mouchenik, directrice de Logivitae, un service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD).
Toutes ont pour mission de prendre soin des plus fragiles, de faire en sorte qu’ils conservent un maximum d’autonomie tout en palliant les tâches de la vie quotidienne. Bien plus qu’une aide, ce métier est un engagement solidaire où il faut faire preuve de beaucoup d’empathie et de bienveillance.
Pour comprendre, il faut « se mettre à la place de l’autre. Si demain, on ne peut plus sortir de son lit seul, si on ne peut plus faire sa toilette seul, s’habiller seul, cuisiner seul, manger seul (…) quand on s’imagine dans cette situation, on comprend à quel point la venue d’une auxiliaire de vie est vitale », explique t-elle. Elles sont plus « qu’une simple aide ménagère ». Non cantonnées à l’entretien du domicile, elles accompagnent les gens dans tous les gestes essentiels de la vie quotidienne. Elles vont être le lien entre la famille et la personne âgée, un soutien pour se lever, une voix pour rassurer, une main pour se promener, une oreille pour se confier.
Plus que l’infirmière ou le médecin, l’auxiliaire de vie « est le professionnel le plus présent à domicile », raconte Dafna. Contribuant à sortir les plus âgés de leur isolement, elles ne s’occupent pas d’un domicile mais prennent soin de ceux qui y vivent. « La lutte contre l’isolement social est énorme, cela fait partie d’une des missions les plus importantes d’un service d’aide à domicile. »
De la même manière, elles ne font pas à la place de l’autre mais avec l’autre. C’est « un délicat équilibre à trouver entre les deux car elle a comme mission importante de préserver l’autonomie des personnes », rappelle Dafna.
Chaque jour au côté des plus fragiles, auxiliaires de vie et professionnels du domicile sont indispensables et pourtant oeuvrent quotidiennement dans l’indifférence. Olga et Hinda se sont habituées à travailler dans l’ombre même si « ça leur fait beaucoup de mal ».
A leur côté s’active une équipe plus invisible encore, celle que Dafna aime appeler une « équipe coulisse », qui « supporte, aide et soutient les auxiliaires de vie dans leur travail quotidien ». Lien primordial entre les auxiliaires de vie et les familles des personnes accompagnées, cette équipe qui « ne compte pas ses heures », redouble d’effort pour trouver des solutions et mettre en place un accompagnement adapté à chacun.
Dafna voulait « un service qui ne s’occupe que de personnes qui en ont vraiment besoin, de venir en aide aux plus précaires, dans des situations sociales complexes ». C’est pour cela que Logivitae est l’un des rares SAAD a disposer de toute une équipe de coordinateurs et de travailleurs sociaux. Deux bureaux distincts mais dans un même espace où travaillent en lien deux équipes aux missions bien définies.
Myriam travaille à Logivitae depuis 3 ans. Coordinatrice au sein du pôle gestion du quotidien, elle gère toutes les urgences journalières. Répondre au téléphone, organiser les plannings et combler les absences, trouver des solutions aux inattendues : « ce matin par exemple, on a eu un monsieur qui est sorti de chez lui et l’auxiliaire de vie n’a pas réussi à le rattraper », explique t-elle.
De l’autre côté de la cloison, travaille Sébastien, au sein du pôle des travailleurs sociaux. Rarement à son bureau, Sébastien traverse le plus souvent avec son vélo tout le 20e arrondissement de Paris, d’appartement en appartement pour « rencontrer les gens chez eux, créer une relation de confiance, comprendre les souhaits de chacun et voir quelle prise en charge il est possible de mettre en place », explique t-il.
Si Sébastien vit des aventures parfois drôles et cocasses, d’autres peuvent être plus préoccupantes : « Un monsieur peut nous appeler parce que son frigo est vide. Quand c’est comme ça, je vois comment je peux arranger les choses ; et parfois, c’est moi qui donne pour les courses (…) mon tiroir est plein de tickets de factures ».
Son travail nécessite beaucoup d’écoute et d’empathie, de temps aussi à accorder aux 190 personnes qu’il suit. Il accompagne chaque famille ainsi que la personne aidée dans toutes les démarches pour trouver des solutions et financer la prise en charge. « Une heure avec une aide à domicile c’est 19,67 TTC, ça reste un coût assez important pour le public dont on s’occupe ». Des aides existent pour ne pas avoir à tout payer soi-même : outre les caisses retraites et les mutuelles, une allocation personnalisée d’autonomie (APA) peut être allouée aux plus de 60 ans.
L’idéal « c’est de respecter les singularités de chacun, de l’auxiliaire de vie, de la personne âgée, de la personne malade ou en situation de handicap, de la famille », poursuit Dafna. « On fait du sur mesure sans les moyens du prêt à porter », conclut-elle.
Une vieillesse discriminée mais déterminée
Dans une société façonnée par un idéal tourné vers le dynamisme, la nouveauté ou l’autonomie, la vieillesse peine à trouver sa place. « Elle incarne l‘inverse des valeurs prônées par la société », explique Valentine Trépied, sociologue et spécialiste du vieillissement.
Une part de la population se retrouve ainsi discriminée, discréditée. « Les personnes âgées souffrent d’une image très négative (…) elles font peur, elles renvoient aux stigmates de l’âge, ce qu’on ne veut pas voir », poursuit-elle. Tant et si bien qu’on les isole, dans des structures, comme chez eux. « Tous les gens qui vivent à domicile sont complètement invisibles, ils ne sont pas suffisamment accompagnés et n’apparaissent pas au sein de la cité », raconte Romain Gizolme, directeur de l!Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Aujourd’hui, 4,6 millions de Français de plus de 60 ans se sentent seuls et 300 000 d’entre eux ne rencontrent quasiment jamais personne. Une mort sociale, une vie recluse entretenues par des stéréotypes tenaces.
D’après lui, dans l’inconscient collectif « les vieux dans les EHPADs ne sont plus tout à fait comme tout le monde, ce sont des dépendants. On dit qu’ils sont incapables et malades, comme s’ils n’étaient pas des citoyens à part entière. Puis vous avez des jeunes-vieux, comme Line Renaud, dont on se réjouit à chaque émission de voir combien elle reste jeune ! » Selon lui, au même titre que le racisme ou l’homophobie, « il faut que notre société se saisisse de l‘âgisme ». L’OMS s’est prononcée sur la question dans un rapport sur le vieillissement, expliquant que les attitudes négatives à l’encontre des plus âgés étaient « largement partagées dans toutes les sociétés ». L’âgisme pouvant constituer « une forme de discrimination encore plus universelle que le sexisme ou le racisme ».
Prêt à se briser, perçus comme fragiles ou incapables, la pensée s’est construite autour de l’idée qu’il fallait mettre les personnes âgées en sécurité. Mais à trop vouloir les protéger, la société les infantilise. Passé un certain âge, on décide pour elles et non pas avec elles. « Quand nos grands enfants nous disent quoi faire et comment le faire, ce n’est pas agréable. Je suis souvent en désaccord quand ils me disent que c’est à eux de décider de ma sécurité. Je suis encore capable de penser et de faire ce qu’il faut pour, d’être responsable », s’agace Martine, vice-présidente d’Old’up, une association qui rappelle que les personnes âgées sont encore utiles.
Selon Romain Gizolme, « on a construit un fantasme de protection autour de ces gens pour qu’il ne leur arrive rien. Tellement rien qu’ils s’ennuient toute la journée et meurent d’ennui ». Dans les structure, le constat peut être amère : « l’ensemble des moyens mis en place dans les EHPADs est une bêtise. Les politiques publiques ont investit uniquement dans le médico-technique pour répondre aux besoins de bases, c’est à dire manger, se laver, guérir. » Des injonctions parfois incongrues, recentrées sur le soin et niant les envies des personnes âgées comme le démontre un entretien que Martine a pu avoir avec plusieurs directeurs d’EHPADs.
Pour cesser d’alimenter cette discrimination, il faudrait « passer par un travail de déconstruction », affirme Romain Gizolme. Etre capable d’inscrire dans la pensée de toutes les générations une nouvelle vision du vieillissement.
Le mouvement de contestation des personnels des EHPADs en 2018, la crise sanitaire actuelle et plusieurs rapports ont eu le mérite de recentrer le débat autour du mal-être des personnes âgées, bien que « l’attention se dirige davantage vers les EHPADs plutôt que vers ceux qui sont chez eux », précise le directeur de l’AD-PA.
« On parle de plus en plus des personnes âgées mais on ne leur laisse pas encore suffisamment la parole », assure Valentine Trépied, sociologue. Or, « pour améliorer les conditions de vie des personnes, il faut s’intéresser à leur vécu, les écouter, les laisser s’exprimer », ajoute-telle.
L’AD-PA a initié le projet Citoyennage depuis plus de 20 ans maintenant. La démarche rappelle sans cesse, avec le soutien de l’association, que les personnes âgées sont des citoyens à part entière, capable de parler de leurs vieillesses, de leurs volontés, de leurs projets.
Être vieux et s’accepter
Accepter de vieillir n’est pas toujours facile. A l’instar de la crise d’adolescence, son corps change, sa perception de la société évolue, tout peut être remis en question. « Deux moments de vie opposés » mais des points communs. Échanger, se confronter, discuter pour mieux s’accepter en tant que vieux ; c’est ce que propose Old’Up, une association des « plus tout jeune, mais pas si vieux ». Ils ont des choses à dire, mais aussi à faire. Pour eux d’abord mais aussi pour la société. Martine, 75 ans, vice-présidente de l’association parisienne prévient : « Une fois, une dame m’a demandé quelle condition elle devait remplir pour entrer à Old’Up. Je lui ai dis qu’il fallait d’abord s’accepter en tant que vieille. Elle s’est sauvée ! » Selon elle, il faut d’abord regarder son reflet, accepter ses rides, son nouveau corps, ses cheveux gris. Des vieux qui s’assument, qui se soutiennent et qui ainsi seront entendus.
Même s’il n’en reste pas moins difficile d’accepter sa condition, libérer la parole fonctionne. L’association organise régulièrement des groupes de discussion composés de six à douze personnes âgées maximum, une première étape pour s’accepter sans contrainte. « Nous ne sommes pas seul. Se retrouver pour parler de ça, ça vous répare », assure t-elle. Elle qui dénonce « l’image négative accolée à ce mot vieux » , elle explique qu’à Old’Up « on réfléchit à comment se faire nommer. Ce sont des questions qui touchent à l’identité et qui révèlent la façon dont nous sommes considérés ».
Trouver sa place
La place d’une personne change à partir du moment où celle-ci prend sa retraite. Reléguée au statut de personne âgée, elle jouit d’abord d’une image positive, assimilable à « l’âge d’or des grands-parents », selon Martine. La sphère familiale a besoin d’eux, quand les enfants deviennent à leur tour parents. Aux yeux de la société, leur utilité est ainsi limitée à la sphère sociale et familiale. Mais « quand les petits-enfants grandissent, on n’a plus besoin de nous », déplore-t-elle. Sans ce rôle de grands-parents, les personnes âgées deviennent inutiles.
Quand Marie-Françoise a fondé Old’Up, elle était dans cette situation. Elle s’est demandée : « A quoi je sers ? Puisque je ne travaille plus, puisque je ne suis plus grand- parent ». Cette question est devenue le leitmotiv de l’association qui souhaite remettre au centre des préoccupations, les besoins et les souhaits des personnes âgées. Elle rappelle que les vieux peuvent et doivent rester acteurs de leur propre vie, qu’ils sont capables de trouver des solutions à leurs besoins, puisque directement concernés.
Très actifs, les membres d’Old’Up ont participé au Grand débat national au moment de la crise des gilets jaunes puis pendant au début de la crise sanitaire, une partie des plus de 90 ans s’est mobilisée pour piloter une enquête sociologique et psychologique pour savoir comment les vieux vivaient le confinement. S’en est suivi la création d’un numéro vert pour écouter les personnes âgées qui avaient besoin de parler et de se confier. « Après une interview de trois minutes sur RTL, on a eu plus de 1000 appels », se rappelle t-elle.
Force de propositions et pleine de ressources, Old’Up est aussi sur le terrain. Accompagnés d’un sociologue et d’un anthropologue, plusieurs adhérents volontaires ont vécu en immersion dans une douzaine d’EHPADs. Pendant 24 heures, ils observent, écoutent et proposent des améliorations tout en soulignant les bonnes pratiques. Globalement, même constat : « désert relationnel et ennui mortel ». Martine précise que la démarche n’est en aucun cas à charge des structures : « Nous associons les professionnels et les directions, avant, pendant et après l’immersion. Cela n’a pas de sens de n’être que d’un côté ».
Sur le plan plus individuel, Old’Up propose aussi des listes de « petites occasions de faire » comme par exemple des tests d’application mobile. Ces actions tentent de répondre à la question « qu’est-ce que je pourrais faire ? », souvent posée par les membres d’Old’Up.
Difficile enfin pour les plus âgés de naviguer dans l’océan du numérique : « Quand on étaient encore jeunes, on avaient déjà du mal avec l’informatique », se remémore Martine. Or, pour maintenir le lien social, conserver une certaine forme d’autonomie et continuer à découvrir et communiquer, l’internet est désormais essentiel. C’est pour cela qu’un an seulement après le création de l’association, des étudiants ont appris à des nonagénaires à se servir d’une tablette tactile, « un outil de communication primordial pour lutter contre l’isolement », selon elle. Depuis, Old’Up a élaboré des fiches très simples destinées aux personnes âgées. Ces échanges inter-générationels aussi sont l’occasion « d’un enrichissement à double sens ». Une manière de lutter contre l’isolement tout en transformant la pensée d’une vieillesse lente et ennuyante.
Politiquement incorrect
Très attendue mais sans cesse repoussée, la loi « Grand âge et autonomie » devait voir le jour en 2021. Après l’annonce courant janvier par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, puis la confirmation de la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, du report de la loi Grand âge et autonomie, la déception et l’agacement gagnent les rangs des professionnels de santé. Elle était pourtant annoncée comme une priorité de l’exécutif, depuis 2019 et le rapport Dominique Libault. Et la raison de la crise sanitaire évoquée ne convainc pas. Quatre fédérations d’aide et de soin à domicile (Adédom, ADMR, FNAAFP/CSF et UNA) ont ainsi lancé une grande campagne de communication, pour que le gouvernement ne reporte pas la loi Grand âge et autonomie.
D’autant que « nous avons déjà pleins de connaissances, tous les éléments sont là pour faire changer la situation (…) toutes les phases de concertations ont été faite, tout le monde à tout dit, tout écrit », affirme Véronique Levieux, adjointe à la mairie de Paris, en charge des séniors et des solidarité entre les générations. Pour elle, « c‘est clairement une déception (…), un énorme point d‘interrogation et un manque de volonté politique collectivement partagé l’échelle du gouvernement. » Et Dominique Libault, pilote du rapport éponyme confirme : « Je pense vraiment qu’il y a eu un raté après mon rapport pour le lancement de cette loi ».
Le vieillissement croissant de la population devrait pourtant être selon ces fédérations, l’une des préoccupations du gouvernement. D’autant que les besoins financiers et humains sont criants, besoins que la crise sanitaire n’a fait qu’accentuer. Leur communiqué rappelle l’épuisement des professionnels du secteur : « Alors que 80% des Français souhaitent vieillir à domicile, il est déjà impossible, faute de personnel et de moyens financiers, d’honorer toutes les demandes d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap, et des familles en difficulté. »
Source d’espoir et d’amélioration, le rapport Libault, né d’une grande concertation lancée en mars 2019, définit les bases de cette nouvelle politique. Lors de ses vœux à la presse (2020), Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, affirmait pourtant que « le secteur de l‘accompagnement à domicile [allait] devoir absorber une grande partie du choc démographique à venir », assurant que l’entrée en établissement devait « devenir l‘exception ». Dominique Libault, assure bien lui aussi que « la loi va permettre de travailler sur un plus grande cohérence si l’on veut ce libre choix du domicile ».
Mais, dans les faits, son rapport concerne assez peu le secteur du domicile.
Très centré sur la réorganisation des EHPADs, selon un nouveau modèle hybride plus en lien avec l’extérieur et le domicile, la nouvelle loi prévoit aussi tout un volet financier qui sera porté par une nouvelle branche de la Sécurité sociale.
Des attentes claires du domicile
Selon Véronique Levieux, « beaucoup de choses sont attendues dans le champs du domicile où il y a un fort besoin de donner les moyens pour valoriser l’ensemble de ces métiers ». Les attentes sont claires chez les professionnels du domicile. Dafna Mouchenik espère notamment la mise en place d’une politique nationale. « Il n’y a pas de socle national de l’aide à domicile. L’action sociale dépend du département. On voulait créer des politiques de proximité, c’était cohérent, mais là on se retrouve avec 101 départements et 101 politiques d’accompagnement de soutien à domicile différentes. Ce n’est pas possible » , résume t-elle. A la suite du premier confinement, « certains se sont par exemple vu attribuer une prime et d’autres pas », illustre t-elle. Le 4 août dernier, Emmanuel Macron assurait que l’État et les départements financeraient une prime de 1 000 €, aux auxiliaires de vie des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Même si « Paris a été exemplaire en versant à ses auxiliaires de vie une prime de 1500€, équivalente à celle des soignants », dans d’autres départements, certains l’attendent toujours.
Pour Dominique Libault, « le sujet de la gouvernance » est primordial : d’un côté, la santé gérée par l’Agence régionale de Santé (ARS), de l’autre le service social, confié au département. Or selon lui, « dans une logique de stratégie de prévention et de lutte contre les inégalités, il est nécessaire de considérer la santé et le social ensemble. »
« Aujourd’hui, on essaye de faire rentrer des ronds dans des triangles, on a un budget qui n’est pas le bon, qui n’est pas bien pensé, et pour que tout rentre dans le budget, on ratiboise sur les rémunérations, les conditions de travail », s’agace Dafna Mouchenik. Proposée en clé de voute du financement de la future loi, la création d’une 5e branche de la Sécurité sociale permettrait d’amorcer une réglementation au niveau national et d’augmenter les financement dédiés à l!autonomie, actuellement éparpillés entres plusieurs administrations : assurance maladie, mutuelles, départements etc. Le pilote de la concertation, Dominique Libault rationalise : « Pour l’instant, cette avancée est un outil démocratique utile, cela met en avant les personnes âgées et leurs problèmes. Mais le sujet reste ouvert sur comment avancer sur ce financement (…) tout ça s!est un cadre à remplir pour donner du sens ».
À ce jour, le gouvernement voudrait qu’une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) permette le financement de cette branche autonomie. Passé 2024, c’est 2,3 milliards d’euros supplémentaires par an qui devraient remplir les caisses de la Sécurité sociale. Seul problème, le budget nécessaire évalué dans le rapport Libault s’élève à 10 milliards d’euros.
Les SAAD se sentent « tirés vers le bas » : « On fait tout pour faire des économies. On maintient les salaires les plus bas possible, on réduit les heures de réunions, on bricole sur les temps de déplacements. Mais se sont des mauvaises économies qui compliquent les conditions de travail, qui favorisent le turn over », explique Dafna Mouchenik.
Épuisés, ces professionnels de l’ombre qui n’ont pas pour habitude d’élever la voix, manifestent massivement en 2018, pour réclamer une revalorisation salariale mais aussi sociale de leur métier.
Actuellement, seules les heures réalisées au sein du domicile des personnes dont les auxiliaires de vie ont la charge leur sont payées. Les temps en amont ou en aval des tâches réalisées sont, eux aussi, invisibles.
Dafna Mouchenik souhaite que la loi « solutionne ces incohérences » et déplore une course à la réalisation d’heures pour toucher un salaire décent plutôt que la recherche d’une service d’accompagnement de qualité. Une revalorisation salariale devient vitale pour des travailleurs qui peinent à gagner un salaire net moyen de 970 euros. « Vous avez des salariés qui attendent 13 ou 17 ans d’exercice avant de toucher le SMIC. C’est inacceptable », rapporte le directeur de l’AD- PA. Ce dernier revient sur un accord de revalorisation salariale avorté qui avait déclenché cette grogne du médico-social : « 0,44 % du salaire en plus, c’est ce que l’on demandait. L’État n’avait qu’à signer l’avenant. Il ne l’a pas fait. C’est un signal pour ces gens qui touchent moins que le SMIC, le signal que leur travail ne valait même pas une revalorisation de 0,44 % de leur salaire. Quand vous envoyez ce genre de message, vous dites aux gens qu’ils ne valent rien ».
Mal payé, déconsidéré et dévalorisé, le métier d’auxiliaire de vie ne suscite pas beaucoup de vocation. En sous effectifs, peu ou mal formées, les aides à domiciles manquent. Pour Romain Gizolme, « il est urgent de créer des métiers qui correspondent aux attentes des gens, pour qu’ils puissent remplir leur journée et vivre décemment. »