Située dans le 12ème arrondissement parisien, le concept de la Boutique sans argent a vu le jour fin 2013. Basée sur le fait de donner une seconde vie aux objets, chacun peut y venir pour prendre ce qu’il veut. Une activité qui se prolonge avec des ateliers de partage de savoirs et de savoir-faire.
Sortir d’une boutique sans payer, un concept impensable ? C’est pourtant le projet qu’a décidé de mener Déborah Fischkandl en 2013. La boutique a pour but de laisser les clients emprunter ce qu’ils veulent, sans dépenser le moindre euro. Chacun peut également venir y déposer un objet dont il ne se sert plus. Cela permet de redonner une seconde vie à ses livres, CD, vêtements, bibelots… « Ce n’est pas ouvert uniquement aux plus démunis, puisque nous ne voulons pas les stigmatiser. Tout le monde peut venir prendre ce qu’il veut », explique Déborah Fischkandl.
La Boutique sans argent vise un triple objectif environnemental, social et citoyen. Elle participe à une meilleure utilisation des ressources et la préservation de l’environnement en laissant les objets trouver une seconde vie. Cela sensibilise la population à des modes de consommation plus responsables. En y « vendant » des objets gratuits, la boutique a pour but de soulager les bourses des plus modestes. Enfin, le troisième but de la boutique est de favoriser l’engagement citoyen des habitants du 12ème, en les sensibilisant aux bienfaits de la démarche.
L’économie du don
« Il n’y a pas forcément besoin de transaction financière pour créer une économie » explique Valéry Escudier, économiste spécialisée dans les économies alternatives. La Boutique sans argent s’inscrit dans un modèle qu’on appelle l’économie du don. Ce principe résulte de la générosité des clients. Si chacun vient emprunter un objet sans en donner un, alors le stock se réduira fortement. Pour le bien de la Boutique sans argent, certaines personnes y laissent plusieurs objets. Ces personnes y trouvent leur compte. « Aujourd’hui, quand on souhaite acquérir quelque chose, on paye. Mais un échange d’objet que l’on juge équivalent à la valeur de celui qu’on souhaite prendre à la boutique, c’est déjà une transaction économique », avance Valérie Escudier. Si l’on souhaite, par exemple, emprunter un cd à la boutique, il suffit de l’échanger contre trois livres. « Deux livres dont je n’ai plus utilité auront moins de valeur à mes yeux qu’aux yeux d’une personne qui veut vraiment les lire » détaille l’experte en économies alternatives.
Mark Boyle expliquait dans son livre The Moneyless Manifesto que l’échange d’un bien avec une somme d’argent était la cause de la destruction des liens sociaux. La Boutique sans argent renforce ainsi les liens sociaux en supprimant ces transactions financières que l’économiste théorise. Elle casse également les codes des moyens des classes. Chaque produit étant gratuit, n’importe qui peut venir y prendre ce qu’il veut, qu’il soit issu d’un milieu populaire, ou très aisé.
Pas rentable financièrement, mais socialement
Mais s’il n’y a pas de transaction d’argent, comment cette boutique peut-elle encore exister après 9 ans d’existence ? Déborah Fischkandl explique que pour financer le loyer et les charges de la boutique, elle touche des aides de la part de la mairie de Paris, ainsi que des dons. La Boutique sans argent n’est pas rentable, mais ce n’est pas là son but.
Ce concept de prendre sans payer se démocratise peu à peu. Des boutiques comme celle du 12ème arrondissement parisien, il en existe une dizaine aux quatre coins de la France. Depuis la crise sanitaire et la baisse du pouvoir d’achat des Français, on voit un nouveau type de boutique sans transactions. Certaines échoppes alimentaires proposaient de donner des produits sans aucun échange d’argent, comme les boulangeries.