Depuis 1996, la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, dit la loi Laure, dispose que l’État français reconnaît à chacun le droit de respirer un air ne nuisant pas à sa santé. Elle oblige par conséquent toutes les institutions étatiques à préserver la qualité de l’air. Pourtant, selon une étude de l’Agence nationale de santé publique, 48 000 personnes décèdent chaque année à cause de la pollution de l’air en France.
Le 24 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a condamné la France pour non respect des valeurs limites de dioxyde d’azote depuis 2010. Les juges européens ont constaté que « la France n’a manifestement pas adopté en temps utile des mesures appropriées ». Condamnation qui pour le moment reste sans sanction réelle pour l’Hexagone mais cette décision alerte.
« L’État ne respecte pas les lois qu’il a lui même édicté, c’est quand même un peu paradoxal. Nous sommes dans une situation de non-droit écologique dans un certain nombre de zones en France.», déplore Olivier Blond président de l’association Respire qui lutte depuis 2011 pour l’amélioration de la qualité de l’air en France.
Les personnes les plus touchées par la pollution de l’air sont sans surprise celles vivant dans les plus grosses agglomérations. Selon une étude de l’Agence nationale de santé publique, sortie en juin 2016, « dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants les résultats montrent, en moyenne, une perte de 15 mois d’espérance de vie à 30 ans » contre « une perte de 10 mois d’espérance de vie » dans les zones entre 2000 et 100 000 habitants.
La région la plus dense de France, l’Île-de-France, est donc particulièrement concernée. « Il y a un million de personnes qui habitent dans des zones où il y a des dépassements des seuils légaux de qualité de l’air », précise le président de Respire.
« Un Lubrizol, on en a tous les quinzes jours à Orly. »
Parmi ces zones, les endroits jouxtant des installations aéroportuaires sont particulièrement impactés. La pollution de l’air, Gérard Bouthier, président de l’association de Défense des riverains de l’aéroport Paris-Orly (DRAPO) y est confronté quotidiennement. « Un Lubrizol on en a un tous les quinze jours à Orly. », confie-t-il : « Lors de la combustion des réacteurs d’avions, une fois que ça a brûlé, on arrive aux mêmes composants polluants : le dioxyde d’azote (N02) et des particules fines et extra-fines. » Avec son association, il lutte chaque jour pour préserver les intérêts des riverains de l’aéroport.
Selon lui, la répartition actuelle des vols au sein de l’espace aérien français est absurde : « Notre problème c’est l’hyper concentration parisienne, on pense qu’un Rennais qui se rend aux Baléares et qui doit obligatoirement passer par Orly, d’un point de vue écologique c’est absurde. Il faudrait plutôt développer les aéroports secondaires, qui ont envie eux. Par exemple, Nantes peut très bien faire des vols proche-Europe sans passer par la plateforme parisienne. »
De son coté l’État via le groupe ADP poursuit cette stratégie d’hyper-concentration parisienne puisque l’aéroport Roissy Charles De Gaulle va prochainement démarrer les travaux de son nouveau Terminal 4. « Ce sera l’équivalent d’un Orly entier », selon Gérard Bouthier.
Vers un grand plan national pour lutter contre la pollution de l’air ?
Le 11 décembre 2019, trois associations, Réseau Action Climat, Greenpeace et Unicef ont passé au crible l’action des grandes agglomérations pour lutter contre la pollution de l’air. La conclusion est claire : « Aucune des grandes agglomérations françaises ne va aujourd’hui assez loin pour protéger efficacement ses habitants de la pollution de l’air. »
Les municipales 2020 seront peut être l’occasion de rectifier le tir, à l’échelle locale. C’est en tout cas ce qu’espère Europe écologie les verts (EELV). Le parti écologiste souhaite s’attaquer à l’acteur majeur de la pollution de l’air : la voiture. Dans la capitale, la tête de liste David Belliard a proposé un plan pour « Libérer Paris de la voiture. ». « La pollution à Paris c’est la voiture, essentiellement, à 90%. L’objectif c’est surtout de réduire au maximum la circulation dans la capitale en réduisant les axes routiers les plus importants et en repensant les axes secondaires, notamment avec Paris en selle.On propose une autre lecture de la ville, dans laquelle la voiture n’occuperait pas 50% de l’espace public. », explique Emmanuelle Pierre-Marie candidate EELV à la mairie du XIIème arrondissement.
Hors de la capitale, Olivier Blond milite pour un grand plan national de lutte contre la pollution de l’air : « Il y a pleins de choses à faire mais ce qui manque c’est un grand plan national comme les grands plans d’action de la sécurité routière contre les accidents de la route ou comme le plan national contre le tabac qui sont deux exemples de grandes actions de gouvernement qui ont marché. C’est un enjeu de santé évident pourtant…»De telles campagnes nationales ont prouvé qu’elles pouvaient être efficaces. En effet, 3 248 personnes ont perdu la vie en 2018 sur les routes. Elles étaient presque 17 000 en 1974.
Un long chemin subsiste encore pour que la loi Laure soit réellement appliquée en France et que chaque français puisse respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Une situation qui peut s’expliquer entre autre par la conjoncture sociale actuelle : « Le gouvernement a très peur de lutter contre la voiture, le mouvement des gilets jaunes a même commencé par une augmentation de la taxe carbone sur les carburants et on a vu ce que ça a donné c’est un sujet très sensible. », regrette le président de Respire.