La Zone d’Aménagement Concertée de Bercy-Charenton représente un enjeu majeur des élections municipales dans le 12ème arrondissement de Paris. Deux projets s’opposent pour ce terrain de plus de 70 hectares. Deux projets distincts qui proposent deux visions différentes de la gestion du territoire urbain : la densification contre l’écologie.
Le projet immobilier de Bercy-Charenton est né en 2014 quand l’actuelle maire du 12ème arrondissement Catherine Baratti-Elbaz a négocié auprès de la SNCF pour élargir le terrain de la ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) qui va de la gare de Bercy à Charenton-le-Pont en passant par le bois de Vincennes. L’objectif est de transformer cette zone en un immense parc urbain composé de plus de 4000 logements répartis sur 280.000 m2. À quoi s’ajoute une nouvelle zone industrielle avec 215.000 m2 de bureaux, 12.000 m2 de programmes hôteliers et 40.000 m2 d’infrastructures publiques (dont une piscine et un collège). La nouvelle zone industrielle permettrait de relocaliser 13.400 emplois dans l’est parisien, selon Catherine Baratti-Elbaz.
S’ensuit un affrontement politique entre élus locaux, divisés par le projet immobilier. Anne Hidalgo, qui a soutenu la création de la ZAC depuis le début, n’entend pas l’abandonner à l’approche des élections municipales. La végétalisation de Paris s’arrête aux places de parking libérées par le déclin des automobiles personnelles. Jean-Louis Missika, l’adjoint à l’urbanisme d’Anne Hidalgo, déclare par ailleurs que la création de 6000 nouveaux logements ne suffit pas pour parler de densification.
Bien sur, cette politique ne fait pas l’unanimité. Les oppositions de tous bords politiques convergent contre la ZAC de Bercy-Charenton. En juillet 2018, lors de l’annonce officielle de la validation de la ZAC, Danielle Simmonet, conseillère de Paris élue au 20ème arrondissement tenait un discours accusateur : « Une zone d’affaires, conçue comme une mini-Défense de l’Est parisien, c’est ainsi que la Maire de Paris a répondu aux nombreuses critiques des études d’impact environnemental et de la Commission d’enquête ». À la fin de son discours, elle appelait à la création d’une ZAD, une zone à défendre : une occupation sauvage du terrain pour empêcher la construction des tours. Plus d’un an après et à quelques mois des élections municipales, la ZAC ne s’est pas encore transformée en ZAD.
Dans le 12ème arrondissement, la lutte est poursuivie par la candidate tête de liste d’Europe Écologie les Verts. En effet, Emmanuelle Pierre Marie ne souhaite pas que ce projet immobilier aboutisse. Elle en a fait une promesse de campagne : abandonner la construction des tours pour créer un nouvel espace-vert. Elle met également en évidence l’absence d’unanimité derrière la ZAC. « Nous sommes toujours opposés à ce projet immobilier qui est un non-sens historique. Nous avons proposé une alternative au moment du vote, mais le projet a été voté à 5 ou 6 voix près. On souhaite pour ce quartier une plus forte végétalisation, de l’agriculture urbaine, de l’économie locale et des circuits courts avec le développement du commerce de proximité », argumente t-elle.
Des rapports environnementaux sceptiques
D’un point de vue écologique, le projet porté par la mairie de Paris est contestable. Les différents rapports semblent concorder sur l’impact négatif que la zone aura sur la vie des habitants. Le projet apporterait des nuisances sonores et polluantes : « Le nouveau quartier accueillera une nouvelle population (9300 habitants et 13400 emplois) dans un secteur soumis aux nuisances d’axes routiers importants. Dans ce contexte, les évaluations environnementales mettent en évidence les enjeux d’exposition des nouvelles populations à la pollution de l’air ». En effet, certains secteurs de la zone sont soumis à des pics de pollution à 90 μg/m3 de NO2 (dioxyde d’azote rejeté par les moteurs à combustion). La moyenne parisienne est pourtant déjà élevée à 40 μg/m3 par an selon le rapport ; or ce nombre représente la limite fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ainsi, au dessus de 40 μg/m3 par an, la qualité de l’air est considérée comme nuisible pour la santé.
Il y aura également une nouvelle pollution visuelle. Car plus les habitants sont en hauteur et moins ils sont soumis à la pollution, les rapports préconisent ainsi la construction de grandes tours : « La composition urbaine de ce secteur devra privilégier les logements dans les étages supérieurs et développer une architecture développant des cœurs d’îlot protégés ». L’architecture devrait ainsi privilégier les prises d’air en hauteur pour limiter les flux de pollutions au niveau du sol. La proximité des immeubles avec la gare de Bercy et la gare de Lyon pourrait en plus perturber le trafic ferroviaire pendant les nombreuses années de travaux. Sans même parler des nuisances sonores liées aux trains pour les futurs habitants du quartier.
Le projet pose encore un autre problème de santé publique puisqu’il prévoit la construction d’un collège. Or, les plus jeunes sont les plus sensibles à la pollution, il faut donc, tout particulièrement près du collège, « éviter les effets visant à concentrer la pollution », selon la ville de Paris.
De son côté, l’Autorité Environnementale semble plutôt sceptique dans son rapport. Les questions de pollutions atmsphériques doivent être étudiées avec rigueur pour « évaluer plus précisément les caractéristiques de pollution atmosphérique ».
Enfin, l’étude d’impact commandée par la mairie de Paris en juillet 2018 se révélait aussi dubitative. Il y est mis en avant le patrimoine historique qui se trouve sur le site, mais également la possibilité de transformer cette zone en espace vert. Il faut prendre en compte la spécificité du terrain : « Les enjeux du site au regard des liaisons écologiques sont donc importants, de par son implantation stratégique pour le développement futur de la trame verte parisienne, et la restauration de continuités aujourd’hui peu présentes sur le site ».
Ainsi, les différents rapports exposent le manque de perspectives écologiques du projet immobilier. La mairie de Paris assure cependant vouloir travailler sur l’architecture des bâtiments pour limiter les risques de pollutions atmosphériques. De leur côté, les opposants au projet pensent que la ZAC de Bercy-Charenton devrait être un nouvel espace de végétalisation au sein de la capitale.
Plus généralement, la ZAC de Bercy-Charenton doit questionner les pouvoirs publics sur l’espace disponible à Paris. Est-ce que l’espace vide est un espace qui n’a pas encore été utilisé, rentabilisé ? Ou le vide n’est-il pas une zone de respiration, un poumon pour la ville qu’il faudrait entretenir ? Nul doute que la ZAC sera au centre des débats lors des élections municipales du 12ème arrondissement de Paris.