Circuit-court : du producteur au restaurant par l’ascenseur

Paul Rousselin et ses deux associés cultivent désormais cinq toits de Paris /©CueilletteUrbaine)

Paris se végétalise à tous les niveaux. Primée plusieurs fois, la société Cueillette urbaine vend ses produits cultivés sur les toits aux restaurants de la capitale. Un circuit de 14 étages, en ascenseur : depuis les plantations jusqu’aux cuisines, au rez-de-chaussée.

« C’est plutôt sympa, les framboises n’ont qu’à prendre l’ascenseur ! » Depuis le quatorzième étage d’un immeuble du XXe arrondissement de Paris, Paul Rousselin s’amuse. Ses framboises poussent sur un toit. Ensuite, elles descendent. Direction les assiettes d’un restaurant du rez-de-chaussée.

Autour de lui, ce cultivateur urbain en a partout. Par terre, sur les murs… « Là ce sont des framboises, ici des herbes, là-bas je fais des tests sur des poivrons… » Un lieu étonnant et un public visé, les restaurants.Pourquoi pas des particuliers ? « Le système doit rester viable. Pour vendre aux particuliers, il faut aller les voir, s’organiser pour faire les marchés… » Un travail long, fastidieux. « Trop coûteux », pour cette start-up.

Les trois associés se sont donc tournés vers les professionnels, en circuit court. « Il n’y a pas de mauvaise surprise. Des restaurants, il y en a partout. Dans la rue, on en a trois à moins de dix mètres de la sortie. C’était plus simple ! » Simple, rapide efficace… « et meilleur ! » Le cultivateur en est sûr, « les légumes parisiens sont au moins aussi bons que ceux du reste de la France. Il y a du soleil, un taux d’humidité parfait pour les cultures… Elles sont bien, ici ! »

Un modèle économique viable ?

Miel, plantes, fruits, légumes… Le coworking où il travaille fourmille de produits sélectionnés avec précision. « Il faut choisir ce qu’on peut faire, ce qui permet d’être rentable », explique Paul. Parce que cultiver n’est pas simple. Et encore moins à Paris. « Beaucoup jettent l’éponge… »

Lui-même, avec ses deux associés, n’est pas sûr de tenir. « On s’est fixé jusqu’à 2021 pour savoir si c’est viable. On reste une entreprise. » Et si l’entreprise ne rapporte pas d’argent… « il faudra arrêter et se réorienter. »

Parisculteurs croit pourtant en eux. Le grand concours annuel de la ville de Paris a primé Cueillette urbaine pour ses initiatives sociales et solidaires. Trois fois. Pour l’instant, pas de pessimisme. « On vient d’agrandir notre potager, on peut cultiver 4000m2 sur cinq toits, désormais ». Avec la multiplication des espaces à cultiver, la petite entreprise de Paul Rousselin et ses amis grandit. « On était deux associés au départ, on est passés à trois avec un employé à temps partiel », se réjouit-il sans pour autant s’extasier.

Et pour cause. « Il s’agit de produire, mais aussi de trouver des clients ». Jusqu’ici, les restaurants sont peu nombreux. « On en a cinq à Paris, ce n’est pas énorme. » Des produits « fragiles », des clients « frileux », des toits « difficile à cultiver pour certains »… Le marché choisi par Cueillette urbaine n’est pas si large.

Garanti sans pollution ni pesticides

Les cultivateurs des toits ont préparé leurs arguments. « Notre force première, c’est la qualité », assène-t-il. « On n’a aucune pollution ». Une précision surprenante pour Paris. Mais Paul Rousselin insiste. « Au-dessus du cinquième étage d’un immeuble, il n’y a plus de pollution atmosphérique. On a la chance de proposer des produits propres ! »

Pas d’intermédiaire, peu voire pas de transport… Le principal attrait reste « la proximité ». « Un produit parisien nous coûte entre 10 et 20% moins cher », confie un restaurateur client de Cueillette urbaine. Traiter avec Paul Rousselin lui a permis d’avoir de « bons produits », « peu coûteux », et « à la demande ».

Les produits viennent d’à côté, ils sont moins chers : une bonne nouvelle. « Pour qu’un restaurant court-circuit tienne, il faut tout calculer. La balance entre les dépenses et les recettes est très difficile à garder ». Les contraintes pour un restaurant parisien à circuit court sont les mêmes que celles d’un restaurant traditionnel… « en plus difficile », insiste-t-il. « Choisir les produits », « choisir les partenaires », « payer des produits bio, natuerels parfois plus coûteux » tout en payant « un loyer parisien très cher »… Les obstacles sont nombreux. « Alors avec des circuits courts parisiens, on arrive à s’en sortir un peu mieux. »

Du côté de Paul Rousselin et des Cueilleurs urbains, la récolte est plutôt bonne également. « Sans intermédiaire, on s’en sort avec des produits qui se vendent bien ! » Qui devraient permettre d’occuper les toits de Paris pour un moment encore.

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