Des Jeux Olympiques 2024 neutres en carbone. Réalité ou utopie ?

Journée de promotion des Jeux Olympiques à Paris le 24 Juin 2017. ©Julien Chatelain

Paris accueillera les Jeux olympiques d’été en 2024. Dès la présentation de sa candidature, le comité d’organisation a fait le pari de réaliser des jeux neutres en carbone pour la première fois de l’histoire. Un défi ambitieux, mais qui paraît irréalisable pour certains détracteurs. Cet événement peut-il alors être vraiment neutre en carbone ? Éléments de réponse.

« C’est impossible de faire des Jeux olympiques sans aucune émission de carbone. » Georgina Grenon, Directrice de l’Excellence Environnementale à Paris 2024 admet qu’un événement de l’envergure des Jeux olympiques ne peut pas se faire avec aucune émission carbone. Le défi que s’est lancé le comité d’organisation est bien plus complexe que cela d’après elle : « le but ce n’est pas d’empêcher les émissions carbones, sinon nous allons travailler dans le vide. Il est impossible d’avoir aucune émission carbone. Il faut donc les réduire le plus possible afin de pouvoir les compenser dans un second temps. »

Une nouvelle méthode pour maîtriser l’impact carbone

Source : Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (Crédit infographie : Corentin Alonso)

Une compensation qui fait bondir les opposant aux Jeux olympiques de Paris 2024. « Je trouve que c’est tricher. Dire que l’on fait tant de tonnes et après que l’on compensera c’est un discours qui ne tient pas debout. Le temps de mettre en place les principes de compensation et après d’avoir des résultats, cela représente des dizaines d’années. Alors dire que les Jeux seront neutres en carbone c’est de la communication, rien de plus. », s’insurge Frédéric Vial, président de l’association  NON aux JO 2024 à Paris.

Pourtant, c’est avec cette ligne directrice que Paris 2024 travaille, et les résultats sont déjà présents selon la directrice de l’Excellence Environnementale. « Aujourd’hui nous avons un objectif de 1,5 million de tonnes qui a été défini. Ces émissions résiduelles comprennent l’ensemble des actions qui ne pourront pas être évitées et qui seront compensées pour assurer la neutralité́ carbone des Jeux. Ce taux est un objectif relativement bas comparé aux éditions précédentes et notamment celle de Londres en 2012 ».

Les Jeux de Paris 2024 seront les premiers à bénéficier pleinement des réformes adoptées dans le cadre de l’Agenda olympique 2020. Cet avantage a permis au COJO (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) de Paris 2024 d’avoir une estimation d’impact carbone deux fois inférieure aux précédentes éditions. En comparaison, les JO de Londres avaient estimé 3,3 millions de tonnes d’émissions de carbone. 

Estimation de l’impact carbone des JO 2024 par rapport aux précédents Jeux

Source : Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024
(Crédit infographie : Corentin Alonso)

Dévoilé par le CIO (Comité international olympique), l’Agenda olympique 2020 est la feuille de route stratégique pour l’avenir du mouvement olympique. Il regroupe quarante recommandations pour « sauvegarder le caractère unique des Jeux et renforcer le sport dans la société. » L’environnement est un des domaines clés abordés par l’Agenda olympique 2020. À travers cet agenda le CIO invite les villes candidates à présenter un projet conforme sur le plan environnemental. C’est ce qu’a fait la ville de Paris, avec l’objectif de la neutralité carbone et ce, dès le dépôt de la candidature.

Propos recueillies par Clément Gay, montage par Corentin Alonso

En dépit des ambitions du CIO et du COJO de Paris 2024, une partie de la population reste réticente à l’organisation des prochains Jeux olympiques dans l’Hexagone. L’association NON aux JO 2024 à Paris a vu le jour il y a maintenant plusieurs années dans le but d’imiter la ville de Denver en 1976 qui a annulé les JO dans sa ville. Frédéric Vial, explique comment a été créé l’association : « Avant même le dépôt de candidature, beaucoup de personnes étaient contre. On se parlait beaucoup sur les réseaux sociaux, mais ce qui a déclenché la création de l’association c’est lorsque que la maire de Paris, Anne Hidalgo, a changé son fusil d’épaule concernant les JO. Elle avait dit dans sa campagne, qu’elle ne voulait pas des JO. Elle a complètement changé d’avis ensuite en soutenant officiellement  la candidature. »

« L’aspect écologique et environnemental est sans aucun doute le nerf de notre guerre. »

Au-delà de l’aspect environnemental, l’association NON aux JO 2024 à Paris met en avant deux principes qui sont selon elle bafoués dans la candidature de Paris 2024. « L’aspect écologique et environnemental est sans aucun doute le principal, c’est le nerf de notre guerre. On voit aussi qu’il y a des incohérences dans les budgets, et dans l’aspect démocratique du déroulement de l’acquisition des JO. »

Jeux olympiques et Grand Paris : deux projets différents ?

Le projet du Grand Paris est aussi dans l’œil du cyclone de l’association. Certaines épreuves devraient se tenir non loin des nouvelles lignes de métro. C’est tout sauf une coïncidence selon Frédéric Vial : « La question du Grand Paris doit aussi se poser. Lorsque cela a été annoncé, la livraison était prévue pour 2030 environ, il y a fort à parier pour que le COJO fasse pression pour que toutes les lignes soient utilisables à l’été 2024. Alors oui ce n’est pas directement lié aux JO, mais cela est étroitement lié. Je suis sûr que ce n’est pas pris en compte dans le budget ni même dans l’impact carbone. C’est dommage. »

Un impact carbone impossible à effacer : l’arrivée des spectateurs du monde entier via les aéroports parisiens (Crédit : Scott Lewis/ Flickr)

Toutes ces incertitudes n’existent pas du côté du COJO, pour eux les choses sont très claires, et les problématiques liées au Grand Paris n’ont rien à voir avec les prochains Jeux olympiques. Ce sont deux choses très distinctes : « Parler des travaux du Grand Paris pour les JO est complètement inutile. Que ce soit dans le calcul du budget ou même dans l’impact carbone avec les travaux que cela implique, ça rien n’a à voir avec ce sur quoi nous travaillons. Le budget et l’impact carbone sont calculés sur les projets qui ont été lancés spécialement pour et par les JO. Le Grand Paris lui a été lancé par la municipalité et pas par le COJO. », se défend Georgina Grenon.

Si certains points de Paris 2024 sont sujets à débat, certains font aussi l’unanimité. C’est notamment le cas de l’accessibilité des sites de compétitions. 80% sont répartis dans un rayon de 10km autour du village olympique et paralympique. Les Jeux de Paris 2024 ont fait le choix d’être compacts et accessibles pour tous. Une mesure de plus afin de réduire l’impact carbone en limitant notamment les trajets. « Tout a été pensé de A à Z pour réduire l’impact carbone le plus possible. Le transport est une des choses les plus importantes, alors limiter les déplacements et surtout les rendre le plus courts possible était une priorité », estime Georgina Grenon. Un avis que partage Frédéric Vial, « on voit qu’ils ont fait des efforts quand même, arriver à limiter autant les déplacements une fois dans la capitale c’était plus que nécessaire. Espérons que cela ne s’arrête pas là, pourquoi ne pas penser à des bus électriques ou à d’autres solutions qui puissent encore plus limiter l’impact carbone. Des solutions qui feraient arrêter de consommer des énergies fossiles. C’est une bonne initiative, mais il faut voir plus loin et ne pas se contenter de ça. »

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Frédéric Vial, président de l’association Non aux JO 2024 ( Crédit : Corentin Alonso )

Le sujet des infrastructures fait également l’unanimité. Pour les prochains Jeux 2024, 95% des infrastructures sont déjà existantes. Paris 2024 s’appuie en grande partie sur des sites déjà existants pour minimiser au maximum l’impact carbone. Seulement trois sites seront construits par la SOLIDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques) et seront transformés pour être utiles à la population après les Jeux : le Centre aquatique, le village olympique et paralympique ainsi que le village des médias. 

Les Jeux olympiques ont pour vocation de faire participer tout le monde. Si c’était depuis toujours le cas pour les athlètes, ce sera aussi le cas pour les entreprises françaises pendant les prochains Jeux. 

Des entreprises ESS dans le circuit

En février dernier, Marie Barsacq, Directrice Impact et Héritage chez Paris 2024, annonçait que « l’ESS et les TPE-PME seraient des acteurs majeurs des prochains Jeux olympiques et paralympiques ». En plus d’être neutre en carbone, les prochains jeux seront des « Jeux économiques et solidaires. » Alors, pourquoi ne pas harmoniser ses deux projets afin d’inclure les entreprises ESS dans l’objectif de la neutralité carbone. C’est en tout cas l’idée de Georgina Grenon : « aujourd’hui c’est encore un peu tôt pour dire que certaines entreprises ESS vont prendre part à la compensation de l’impact carbone. Mais en tout cas c’est une certitude que c’est l’objectif vers lequel on tend. Depuis l’ouverture des marchés pour les Jeux olympiques à Paris, beaucoup ont été remportés par des entreprises ESS. Il n’y a donc pas de raison que ça ne continue pas à l’avenir et notamment pour ce gros projet qu’est la compensation de l’impact carbone. »

Encore une fois cette idée semble utopique pour Frédéric Vial, « la compensation carbone ça ne se fait pas en claquant des doigts. C’est très compliqué d’arriver à faire un puits de carbone. Depuis le début ils mettent en avant les entreprises ESS, mais elles n’auront pas les épaules pour pouvoir assumer un tel projet. La seule éventualité, ce serait qu’une grosse entreprise sous-traite avec une entreprise ESS, mais là encore c’est contourner les règles pour arriver à ce qui les arrange. »

Étant donné que les Jeux olympiques auront lieu dans un peu moins de 4 ans, tout n’a pas encore été dévoilé en ce qui concerne l’organisation. C’est notamment le cas du calendrier de compensation de l’impact carbone, qui reste un enjeu majeur des prochains Jeux. Ce dernier sera dévoilé dans le courant de l’année 2022. En attendant, il est presque impossible d’évaluer la faisabilité de la neutralité de l’impact carbone, même s’il paraît plutôt compliqué de compenser les émissions sur la seule année de 2024.  

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