Face à une industrie de la mode très consommatrice, des marques font appel à l’upcycling pour recycler les vêtements. Une pratique aux antipodes de la « fast-fashion » synonyme de production en masse.
« Actions qui consistent à utiliser des objets et des matériaux destinés à être jetés pour les réintroduire dans la chaîne de consommation », telle est la définition de l’upcycling, un anglicisme bien connu des marques dans le monde de la mode.
Une industrie du textile toujours plus polluante
Cette pratique née dans les années 90 s’est popularisée depuis une dizaine d’années. La tendance fait face à une industrie du textile toujours plus productive et qui représente la deuxième industrie la plus polluante après le pétrole, avec plusieurs millions de tonnes de vêtements qui sont gaspillés chaque année dans le monde.
Des jeunes entrepreneurs conscients du problème n’ont pas hésité à se lancer sur cette production éco-responsable. Clément Maulavé et Mathieu Couacault sont les fondateurs d’Hopaal, une société créée en 2016 spécialisée dans la fabrication de vêtements de matières recyclés. « Avec le recyclage aujourd’hui, nous pourrions alléger la culture du coton qui demande énormément d’eau », explique Clément. Ce Breton originaire de Saint Malo et surfer aguerri est particulièrement sensible à l’impact de cette industrie sur les océans.
C’est en Inde que Clément constate le potentiel de récupération dans le textile. Dans un atelier de textile, il voit que des entreprises de fabrication de vêtements jettent des grosses quantités de tissus, notamment lors de la découpe dans les patrons. L’idée des deux compères fait alors surface : récupérer ces gaspillages de textiles, en coton, pour fabriquer des t-shirts. « On les (les entreprises) débarrasse de leurs déchets en rachetant leurs chutes à bas prix », expliquent les deux co-fondateurs de Hopaal.
Après avoir racheté ces chutes de textiles, les deux entrepreneurs font appel à deux entreprises dont l’une collecte les morceaux de coton, et l’autre qui les broie pour les transformer en fibres. Le but est de refaire un fil de bonne qualité pour refabriquer de nouvelles « fringues ». Des fibres de polyester, issues de bouteilles en plastique recyclées, sont ensuite inclues dans le processus de refabrication pour obtenir un fil plus résistant. Les vêtements sont donc 100% recyclés. Un fonctionnement eco-friendly bien rodé.
Super Marché : la seconde main transformée en collection
Signe que les mentalités changent, Clément et Mathieu ne sont pas les seuls à s’être engouffrés dans la brèche environnementale du textile. Monia Sbouaï, la trentaine, s’est également lancée dans l’upcycling en créant sa propre start-up Super Marché en 2016. « Une marque de prêt-à-porter traditionnel et moderne, mais créée dans une économie sociale et solidaire avec une conscience de consommation. » Super Marché transforme des vêtements de seconde main pour créer des collections pour femmes et pour hommes avec des modèles pensés pour avoir du style, être confortables, pratiques et de qualité.
« C’est le principe de l’upcycling : récupérer des objets et des matériaux dont on ne se sert plus et les transformer pour leur redonner de la valeur », explique la Francilienne. En assemblant les pièces dans un atelier de couture à Saint-Denis (93), Monia fait le pari de produire localement et plus proprement tout en répondant aux besoins de la clientèle.
En plus d’être respectueuse de l’environnement, Monia s’inscrit dans une démarche sociale. Les pièces de Super Marché sont en effet assemblées dans des ateliers de couture qui permettent l’insertion professionnelle à l’Ile Saint-Denis. Tout en précisant que ce n’est pas son atelier de couture (elle s’y fournit en matière), elle explique les retombées positives de ce processus.
« A la différence d’un atelier professionnel, les personnes ont traversé une période éloignée du travail pour des raisons professionnelles, personnelles. L’atelier embauche exclusivement des personnes via cette passerelle pour leur permettre d’aller dans le milieu de l’emploi traditionnel. Certaines personnes ne savent pas coudre, ne sont pas alphabétisées. Des heures sont donc libérées pour ça. », raconte la jeune femme. Un fonctionnement que Monia aimerait avoir au sein de Super Marché en cas de développement de l’entreprise. « J’aime bien l’idée d’intégrer cette question d’insertion. Si je devais développer l’entreprise, ça serait plutôt dans ce sens-là. »
Remonter la chaine de production
Chez Loom, les mêmes démarches environnementales sont appliquées. Sur leur site, Julia Faure et Guillaume Declair déclarent que l’industrie du textile « a perdu les pédales ». Les deux associés, qui ont fondé Loom (tisser en anglais) en 2016, se sont engagés sur le credo du « moins mais mieux. »
« L’idée sur Loom, c’est d’aller à contre-courant de la fast-fashion. Aujourd’hui, on fabrique des produits à la chaîne sans avoir vraiment le temps de les tester, les retester, donc au final, on a des vêtements dont la qualité est assez dégradée et en plus ce sont des vêtements qui coûtent relativement chers puisqu’on est obligés d’avoir des coûts de fabrication » déplore Guillaume.
Pour atteindre cette durabilité et résistance dans leurs vêtements, Guillaume et Julia ont remonté la chaîne du textile jusqu’aux fournisseurs pour comprendre comment construire un vêtement de bonne qualité. « En fait un vêtement de bonne qualité c’est la bonne longueur de fibre, la qualité de tissage, la façon dont c’est cousu, explique Guillaume. On a testé, retesté, jusqu’à avoir les niveaux de qualité qu’on voulait et avoir des vêtements qui durent longtemps. C’est l’objectif principal. »
Prendre le temps de produire, aux antipodes du capitalisme moderne. Là réside peut-être la solution pour repenser la production dans le monde de la mode.