L’arrivée des bioplastiques dans le quotidien des consommateurs devient de plus en plus perceptible. Cependant, les entreprises qui fabriquent et fournissent ce matériau ne semblent guère détailler leur composition exacte. La question environnementale a été un élément mis en avant par les fabricants, mais cela suscite la controverse chez certains organismes. Un nouveau capitalisme est-il en train de fleurir ?
L’industrie pétrochimique devient de nos jours un problème plus que catastrophique pour l’environnement. Chaque année, 5 000 milliards de sacs en plastiques sont consommés dans le monde, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies de 2018. À force d’extraire du pétrole dans la couche de schiste, la liste des catastrophes écologiques ne fait que se rallonger : cours d’eau pollués, micro plastiques répandues dans les nappes phréatiques, dérèglement climatique… Les écosystèmes terrestre et maritime sont progressivement détruit par le processus de fabrication, ainsi que celui de l’incinération de cette matière fossile. Depuis peu, le bioplastique est devenue un nouvel acteur dans le secteur de la consommation. Son image « écologique » convainc progressivement les consommateurs, qui estiment qu’ils font un geste pour protéger l’environnement. Mais concrètement : d’où vient le bioplastique ?
« C’est une matière innovante. Elle est compostable, mais contient des propriétés plastiques et se rapproche du plastique traditionnel », détaille Christophe de Boissoudy, président de l’association Bio plastique et directeur général de Novamont, société dans le domaine du bio plastique. En 1869, les frères américains Hyatt inventent un matériau thermoplastique. Il est composé à partir de nitrate de cellulose et de plante de camphre. Au 20e siècle, le bioplastique, même si cette appellation n’est pas encore employée, intriguent de nombreux scientifiques. Cependant, cette curiosité est stoppée avec l’arrivée du marché pétrolier, qui prend des proportions mondiales. Après extraction, l’or noir est plus résistant, plus léger et moins coûteux à la fabrication. Ces atouts ont séduit tous les grands patrons industriels, jusqu’à le faire entrer dans le marché boursier. Toutefois, par surexploitation, les réserves des gisements pétrolifères deviennent de plus en plus rares de nos jours et le bioplastique revient progressivement dans le quotidien des consommateurs.
Le bioplastique biodégradable et biosourcé : une différence notable
Il existe deux catégories de bio plastique : le biodégradable et le biosourcé. « Les emballages en bioplastique biodégradable se dégradent naturellement dans la nature. Ils sont digérés par des bactéries », explique Anna Klimek, commerciale expert chez Nature Plast. Cependant, il faut faire une distinction entre ceux qui sont biodégradables et ceux compostables. La dégradation d’un bioplastique biodégradable n’est pas nécessairement compostable. Pour l’être, il ne doit générer « aucun résidu toxique, visible ou reconnaissable dans les sols », selon la norme ASTM.
Il y a souvent une certaine confusion dans l’emploi de ces deux termes. Un rapport d’information du groupe SPHERE, société des emballages ménagers, et KANEKA, groupe japonais spécialisé dans la chimie soulignent que « le terme de « bioplastique » peut prêter à confusion, car il désigne des matériaux de nature et de propriétés différentes (…) certains plastiques biosourcés ne sont pas biodégradables. Et inversement, certains plastiques issus de la pétrochimie (donc non biosourcés) sont biodégradables. Une troisième catégorie de plastiques cumule les deux propriétés et sont à la fois biosourcés et biodégradables, comme les polymères à base de fécule de pommes de terre, d’amidon ou de cellulose ».
Prenons un exemple, le PET biosourcé (bio-polytéréphtalate de triméthylène) est selon l’industriel Natural Plast, l’expert en bioplastique, « un polyester thermoplastique partiellement produit à partir de biomasse annuellement renouvelable comme différents sucres issus des activités agricoles ». Un jargon à rallonge pour indiquer que ce matériau contient 30 % de canne à sucre et qui n’est pas biodégradable, car il contient des micro-organismes pétrochimiques. Le rapport d’information de SPHERE et KANEKA conclu sur le fait que « ces bioplastiques, qui ne sont pas biodégradables, n’ont par exemple aucun intérêt du point de vue de la problématique des déchets plastiques ». Pendant la dégradation des bioplastiques biodégradables, ces derniers laissent derrière eux des micro-plastiques dans le sol. Donc la conclusion est la même que son dérivé pétrochimique, les écosystèmes sont contaminés par leurs rejets chimiques.
Néanmoins, l’Union européenne a clarifié les éléments de composition des bioplastiques en autorisant différents composants. Les caractéristiques pour un matériau compostable doit respecter la norme européenne de novembre 2000, qui détermine la possibilité de composter et de traiter les emballages, ainsi que les matériaux d’emballage, dont ceux en plastique. « La norme fixe pour la composition en matière organique (au moins 50 %) et la concentration maximum pour 11 métaux lourds : Zinc, Cuivre, Nickel, Cadmium, Sélénium, Fer, Plomb, Mercure, Chrome, Molybdène, Arsenic ». La France a récemment inclut dans ses textes de loi, en septembre 2019, le projet de décret relatif à l’interdiction de certains produits en plastique à usage unique. L’État a décidé que « la teneur biosourcées minimale serait de 50 % à partir du 1er janvier 2020 et 60 % à partir de 2025 ». En attendant, les fabricants de bioplastique recensent un gain économique non dédaignable.
Une économie florissante
Les industries de bioplastique ne se contentent pas que de proclamer les avantages environnementales de ce matériau. C’est également une source financière très florissante pour ces dernières. Avec la montée du prix du baril de pétrole, le coût des bio plastiques deviennent plus compétitif. La compagnie de recherche allemande, Ceresena, a estimé dans une étude que 2,6 milliards de dollars vont être générés par les industries de bioplastique en 2019. Selon un article du Guardian de 2008, la production de bioplastique biosourcé et biodégradable augmentent chaques années de 20 à 30 %.
La même année, l’Europe a consommé environ 50 000 tonnes de bioplastique. Toutefois, la confection des bio plastiques restent dans le même processus de fabrication que les plastiques d’origine fossile. « C’est le même procédé de fabrication que pour les plastiques conventionnels, mais on utilise moins d’énergie, car les températures sont plus basses que les matières fossiles », précise Anna Klimek. Pour la production des ressources naturelles des biosourcés, il faut d’importants espaces agricoles pour cultiver les différentes plantes. Dans le même article du Guardian, le journaliste stipule que pour 200 000 tonnes de bioplastique, il faut entre 250 000 à 350 000 tonnes de production. Une monoculture risque d’appauvrir les sols, car les champs nécessitent plus d’engrais et d’insecticides pour éviter les maladies et les insectes parasites. Si le phénomène des bio plastiques prend de l’ampleur, il pourrait se positionner à la même échelle que l’agriculture industrielle. Mais une question persiste, peut-on trier les bio plastiques ?
Un tri partagé
« 100 % des plastiques recyclés à l’horizon 2025 », le gouvernement français l’avait annoncé en juillet 2017 dans son discours pour le Plan Climat. Actuellement, la France fait office de mauvaise élève en Union européenne. Elle se classe au 29e rang des 30 pays européens qui recyclent les emballages plastiques, avec un taux à seulement 26,2 %, selon une étude de Plastics Europe en 2016. Comment le gouvernement français espère-t-il atteindre les 100 %, en seulement 5 ans, sachant qu’il a actuellement du mal à atteindre le quart de son objectif ? Mais avait-il également inclus les emballages en bio plastique ?
Ces derniers ne se trient pas de la même façon que les plastiques conventionnels. « La France ne dispose pas de centre de tri efficace pour distinguer tous les bio plastiques des autres », déclare Anna Klimek. Le problème vient du fait que les sociétés de recyclage ne sont pas équipées avec des outils qui permettent de différencier tous les bioplastiques qui sont biosourcés, biodégradables ou les deux, des autres déchets. Le coût est trop important et le tri trop compliqué. Ils finissent donc tous dans les décharges. En France, les taux de collecte des bio déchets ne dépassent pas les 5,8 %, selon une étude de l’ADEME en 2017. Le pays est très en retard comparé à son voisin allemand qui affiche un total de 60 % et des 80 % de l’Autriche ! Le conseil des fabricants est de «les mettre dans des sacs noirs ou sinon faire du Home compost », selon Anna Klimek. Finalement pour ceux qui ne disposent pas d’un jardin pour installer un compost chez eux, comme les citadins, ces détritus sont des déchets comme les autres et finissent dans la poubelle noire. Le manque d’information sur ces différents composants le rend aveugle sur sa façon de trier et de consommer. Faire la différence entre une bouteille en PET ou en PHA (polyhydroxy-alcanoates) devient un casse tête. Le résultat est le même, les deux finissent à la poubelle, sachant que le dernier est biodégradable.
Greenwashing industriel ?
Les principaux responsables de ce flou environnementale restent les industriels. On incite les consommateurs à consommer plus vert et plus responsable. Cependant, les informe-t-on sur les problèmes environnementaux que cela pourrait créer les bio plastiques?
Le gouvernement français a mis en place en 2017 la loi pour l’interdiction des sacs en plastique à usage unique. Leurs conseils sont d’utiliser des sacs en papiers, en tissu, en plastique épais réutilisable ou en plastique biosourcé. Même à la plus haute échelle gouvernementale, l’intérêt et la recherche dans le domaine du bio plastique n’a pas été étudié avec minutie. Il faut éduquer et sensibiliser le public en approfondissant les causes et les conséquences de la surconsommation de plastique dans la vie quotidienne des consommateurs. Au lieu de trouver des alternatives au plastique, en créant de nouveaux composés qui restent nocifs pour l’environnement, il faut inciter les consommateurs à réduire leur consommation de déchet ou appliquer la méthode du zéro-déchet.
Malgré quelques détails écologiques et morales qui fâchent, le bioplastique est un élément à ne pas ignorer. Les avantages et les inconvénients de ces derniers ne pourront pas satisfaire les attentes de tous les consommateurs. De plus, l’intégration dans le marché mondial de ce matériau est inenvisageable de nos jours, car les industries de bioplastique sont trop peu nombreuses pour contraindre les puristes du pétrole. Le groupe BVA, une société d’études et de conseils, a montré dans une étude que 67 % des Français pensent que le bioplastique peut résoudre les problèmes de l’environnement. Un estimation qui doit encourager la population à se pencher un peu plus sur ce matériau.