Quand le bio s’invite dans nos salles de bain

Face à la demande, les pharmacies agrandissent les espaces de produits de beauté bio. (Crédit : Kevin Renaud)

Concilier respect de notre corps et de l’environnement tout en restant efficaces, tel est le mantra des nouveaux produits de beauté naturels et biologiques. Shampoings solides, dentifrices en comprimés et autres brosses à dents en bois participent à prendre soin de soi sans défigurer la nature. Ces articles s’inscrivent dans une économie vertueuse semblant n’être qu’à ses débuts.

Des produits sains pour notre corps et pour l’environnement, voir aussi pour l’économie locale. Ce triptyque idéal est rarement atteint par nos dentifrices, shampoings, déodorants, cotons, rouges à lèvres et autres objets que nous utilisons pour notre hygiène et notre beauté. Pourtant, le monde des produits de beauté et d’hygiène n’échappe pas à l’envie de plus en plus pressante des consommateurs d’avoir une offre en accord avec les principes du développement durable. Cette envie globale repose en effet sur la consommation en général, pas seulement sur les denrées alimentaires.

Une étude réalisée en 2017 par l’ADEME (l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) et Kantar Media TGI France pour GreenFlex montre bien un renforcement des attentes « écoresponsables » des Français. C’est ainsi que nous assistons à un élargissement de la place faite aux articles de beauté écologiques et naturels tant dans les magasins spécialisés que dans les grandes surfaces, les parapharmacies et les boutiques en ligne.

Une demande qui monte

Le fait est quantifiable et les données économiques du marché des produits de beauté et d’hygiène écoresponsables semblent toutes aller dans le même sens ; celui de la croissance. Ainsi, selon Statista, une plateforme de données économiques mondiales, le marché des produits de beauté écologiques et biologiques en France est en progression constante depuis le début des années 2000 et représentait 450 millions d’euros en 2015 contre 336 millions en 2010. Le constat est le même au niveau mondial : le poids économique de ce marché a plus que doublé en une décennie, passant de 6,1 milliards d’euros en 2007 à 13,43 milliards d’euros en 2017.

Une tendance que confirme Noémie Lecire, responsable des rayons parapharmacie de la pharmacie de Saint-Julien-l’Ars (Vienne). Elle observe un changement d’habitude de la clientèle : « Nous voyons dorénavant des clients, surtout des femmes, qui vont dans les rayons pour scanner nos produits avec Yuka sur leur téléphone (une application mobile basée sur les produits alimentaires informant de leur impact sur la santé, NDLR). Cette application n’étant pas adaptée à la parapharmacie, ils se retrouvent souvent avec des produits indiqués en rouge, et donc injustement désignés comme étant mauvais pour la santé. Je dois leur conseiller de ne pas utiliser cette application et je les tourne plutôt vers une autre du nom de Quelcosmetic. Elle est adaptée aux produits de beauté. »

« Ce genre d’application a tendance à renforcer le nombre de clients passant des nos rayons dédiés au bio, » conclut-elle. Ainsi, se sont plus de 40% des clients de l’officine qui achètent des articles du pôle « parapharmacie naturelle et bio » qu’elle gère.

Une croissance à deux chiffres

Les articles de maquillage, de dermatologie, de soins bucco-dentaire et capillaire ont donc tout intérêt à réduire leur liste d’ingrédients chimiques et industriels. Des entrepreneurs tels que Clémentine Granet, co-fondatrice des « Petits Prödiges », une marque d’articles de cosmétiques naturels et biologiques, se sont engouffré dans la brèche. Elle constate que « le marché de la beauté est bouché et ne croît plus, mais que les choses sont bien différentes quand il s’agit du créneau des produits biologiques grâce à une croissance à deux chiffres depuis au moins les trois dernières années. »  Elle poursuit : « J’ai lancé Les Petits Prödiges avec une de mes amies de l’école de commerce en octobre 2017 et je peux vous dire qu’entre l’an 1 et l’an 2, nos ventes ont été multipliées par 4. »

Une observation que partage Victor Thomas, lui aussi entrepreneur français de l’industrie des produits de beauté éthiques et durables pour qui « il y a clairement une demande en progression. » Cet homme a créé « Paos », une marque de produits d’hygiène et d’entretien sans déchets non recyclables, il y a un an.

Selon lui, les petites entreprises s’inscrivant dans une démarche écoresponsable comme la sienne ont une place sur le marché. « La concurrence est rude sur notre secteur, notamment parce que les grandes marques s’y mettent, avec le lancement de gammes plus vertueuses, avec moins ou sans produits chimiques dans les compositions. Mais je pense que c’est à la fois une bonne nouvelle et un bon indicateur positif pour les petits acteurs comme « Paos » que les grands groupes industriels se lancent sur le même marché que nous. Je crois à la complémentarité de l’offre et il y a sûrement des synergies à trouver. »

Les articles biodégradables, sans déchets et/ou sans produits chimiques polluants nocifs pour le corps s’inscrivent pleinement dans le développement durable. Mais leur respect affiché pour la santé des Hommes, de la faune et de la flore concerne-t-il aussi notre porte-monnaie ?

Malgré des prix plus élevés

Moins d’ingrédients n’est pas ici synonyme de moins d’argent dépensé. Comme pour l’alimentaire, le bio dans l’hygiène et la beauté est bien souvent synonyme de prix plus élevés. « C’est surtout vrai pour le maquillage et les soins bucco-dentaires où les coûts de recherches supplémentaires sont plus importants qu’ailleurs, » déclare Noémie Lecire, spécialiste de la parapharmacie. Il n’est ainsi pas rare de voir un écart de plus d’un euro entre un tube de dentifrice classique et un autre biologique. « Mais c’est beaucoup moins le cas pour la dermatologie où nous sommes sur des prix équivalents, quels que soit les niveaux des gammes, » ajoute-t-elle.

Elle constate que « quand les clients veulent du bio, ils font moins attention aux prix » et sont donc prêts à sacrifier quelques centimes ou euros. D’après elle, le marketing creux surfant sur la vague du bio et du naturel à moins sa place dans des produits de recherches scientifiques que dans l’alimentaire et les produits reconnus verts durent plus longtemps.

Une utilisation plus durable dans laquelle s’identifie le dentifrice solide et sans emballage que Victor Thomas met sur les rails via son label « Paos ». Il s’agit de comprimés qui moussent au contact de l’eau et libèrent leurs ingrédients sains qui lavent les dents. Ici, point de sulfate, de dioxyde de titane ou de triclosan mais plutôt des extraits d’algues et des anti-caries provenant de fruits.

« Certes, pour 15 € le sachet de 250 comprimés, nous sommes plus chers que la concurrence. Cela s’explique notamment parce que certains ingrédients naturels peuvent hélas être dix fois plus chers que leurs homologues chimiques. Mais le nombre de comprimés correspond ici à environ trois tubes de dentifrice, ce qui donne une utilisation d’environ quatre mois pour un lavage de dents bi-quotidien », se défend l’auto-entrepreneur. C’est en quelque sorte le prix à payer pour ne pas ajouter aux quelques 180 millions de tubes de dentifrice consommés chaque année en France.

Une demande de plus en plus forte pour revenir au naturel et au local. Un choix toujours plus important d’articles efficients et innovants. La possibilité d’opter pour le rapport qualité-prix intéressant du secteur de la grande consommation ou pour le plaisir généré par les marques haut de gamme. Les produits de nos salles de bain convertis au biologique ont encore probablement de beaux jours devant eux.

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