Les vélos-écoles : bien plus qu’un simple apprentissage

(Crédit : Thomas Berthelot)

Depuis le début des années 2000, les vélo-écoles se multiplient dans Paris. L’une d’elles, l’Animation Insertion Culture Vélo, est située dans le XIXème arrondissement de Paris. Son objectif : répondre aux difficultés de la mobilité tout en travaillant sur l’insertion professionnelle et le social.

Commencée depuis le 5 décembre 2019, la grève des transports force les Parisiens et Parisiennes à privilégier d’autres moyens pour se déplacer comme le vélo. Cette utilisation beaucoup plus importante des deux-roues profitent alors aux nombreuses vélo-écoles de la capitale. C’est notamment le cas de se l’Animation Insertion Culture Vélo (AICV). Créée en 1995, l’AICV s’est faite connaître très tôt grâce à un partenariat avec une association de location de vélo. « L’activité a réellement débuté quand on a pu s’installer dans le XIXème arrondissement, avec un local à disposition », explique Joël Sick, le président de l’AICV.

Petite association proposant des activités pendant les vacances et des animations dans les quartiers, la structure a ensuite évolué. Ses principaux objectifs sont désormais de former un maximum de personnes à l’usage du vélo afin de favoriser sa pratique en ville. Pour cela, différents types de cours sont dispensés : individuel, collectif (groupes scolaires, personnes handicapés) ou des stages pour les enfants. Des cours aujourd’hui de plus en plus populaires. « Ils attirent aujourd’hui cent à cent-cinquante personnes par an. Ce qui n’était pas le cas avant », explique Joël Sick. Mais la plus grosse demande reste le volet du recyclage et de la réparation des vélos. « Ce dont les gens ont le plus besoin, c’est surtout de faire réparer leurs vélos ou d’en acheter d’occasions. Et avec la grève, les demandes augmentent alors que le mois de décembre est habituellement très calme. »

L’une des autres missions de l’association est la formation et l’insertion professionnelle. « Il y a un volet marchand qui finance l’association, avec les prestations des ateliers vélos, de réparation et la vente de vélos d’occasions. Et puis il y a un volet non marchand et plus social », explique Joël Sick. En effet, l’AICV forme également « des chômeurs de longues durées ou des jeunes aux métiers de l’animation vélo et de la mécanique ».

Ce fut notamment le cas de David. Educateur sportif, il a intégré l’association en 2003 dans le cadre d’emplois jeunes. « A l’époque, je cherchais un travail. L’AICV n’était encore qu’une petite structure. C’était donc comme un challenge pour moi de faire en sorte qu’elle se développe et qu’elle gagne en notoriété. » Il a alors pu bénéficier d’une formation au métier d’animation vélo : « On accepte les stagiaires comme ils viennent. Le plus important c’est surtout de développer l’autonomie des personnes en transmettant notre expérience. C’est comme ça que certaines personnes que l’on a formées ont ensuite créé leur propre vélo-école », déclare le président de l’association. Ce qui a permis à David de devenir moniteur et d’enseigner au sein de l’AICV pendant près de quinze ans.

Cette notion d’autonomie est l’une des valeurs principales de l’association. En témoigne l’importance grandissante des animations destinées aux personnes handicapées : « Au début, on réfléchissait avec des éducateurs ou des kinés pour acquérir du matériel plus adapté et plus ludique pour les enfants handicapés. Puis, on s’est concentré sur les adultes.  Et bien évidemment on touche à tout types de handicaps. » Certains ateliers se font avec des tricycles adaptés, d’autres ont pour objectif de leur apprendre la ville. « Mais ce sont plus des ateliers trottinettes car en vélo c’est plus difficile », précise Joël Sick.  

Des associations de plus en plus populaires et nécessaires 

C’est entre autres pour cette autonomie que le succès des vélo-écoles grandit de jour en jour. Les stages pour enfants connaissent par exemple une hausse de fréquentation. « On est passé en quelques années de six-huit à quatorze jeunes par stages. Cela vient surtout des parents qui ont envie que leurs enfants apprennent à faire du vélo », explique le président. Mais l’apprentissage de la circulation en ville est aussi au programme, de quoi favoriser de nouveau l’autonomie des utilisateurs.

Si certains peuvent avoir besoin de revoir les fondamentaux (monter, descendre, passer les vitesses, …), la plupart apprennent rapidement à emprunter les aménagements cyclables, puis à circuler en ville. « On leur apprend à gérer les pistes cyclables, les croisements, les obstacles. » Ces ateliers ainsi que les services de réparation-location sont donc de plus en plus prisés. Encore plus lorsque les transports sont en grève, comme le 5 décembre 2019. Sans aucun métro ou bus, les Parisiens ont ressorti leurs vélos. « Les gens ont repris les vélos. Ce qui change aussi, c’est que les gens ont besoin d’avoir leur vélo réparé pour le lendemain, ils sont demandeurs d’un service rapide », déclare Joël Sick.

Pauline est l’une de ces Parisiennes. Ayant besoin de se déplacer pendant la grève, elle a sorti son vélo de la cave. « C’est la première fois que je viens. J’ai demandé une révision des pneus et une nouvelle selle parce que je travaille très tôt demain matin et j’en ai besoin », explique-t-elle. 

Une structure comme l’AICV est aussi devenue nécessaire aujourd’hui pour les valeurs qu’elle apporte aux futures générations. C’est en tout cas ce que pense David. « C’est important car ça contribue à l’éducation en permettant par exemple de faire une activité physique. » Le fait de les impliquer davantage dans ces pratiques permettrait ainsi de les rendre plus naturelles et de les ancrer dans leurs habitudes. Il estime également que tout le monde est gagnant, les animateurs comme les clients. « On se sentait utile car on apprenait a beaucoup de personnes à faire du vélo ou à réparer des vélos. Puis on leur permettait d’avoir une certaine liberté de circulation. C’était super de procurer du bonheur comme ça. » Pour lui, c’est donc en toute logique que les vélo-écoles doivent continuer à se développer en France, en ciblant en priorité les jeunes enfants.

Pour se faire, celles déjà existantes comme l’AICV réfléchissent constamment à de nouveaux services. Et d’après Joël Sick, il n’y a pas le choix tant « le vélo évolue ». Il affirme par exemple que « l’une des grosses demandes du moment, c’est le vélo électrique, surtout avec les entreprises ». Un autre marché est aussi en train de naître, celui des trottinettes électriques car « pas mal de personnes viennent faire réparer la leur ». 

Seul problème, le financement. Car si celui de l’association se fait en grande partie grâce à aux activités économiques (animations, réparation et location), les subventions de la part de la ville de Paris sont de plus en plus rares. « Il y a des nouveaux services à inventer, mais il faut aussi des moyens pour le faire », déplore Joël Sick. Même difficulté pour embaucher du personnel qualifié. « Par exemple, il fallait engager des personnes qualifiées pour donner des cours aux personnes handicapées. Seulement, il n’y avait assez de financement pour cela. il y avait donc de la frustration. » Pas de quoi cependant mettre à l’arrêt l’association, qui comme beaucoup d’autres ne peut voir que d’un bon œil la multiplication des cyclistes dans les rues.

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