Le Petit Bouillon Pharamond : la proximité dans l’assiette

Le Petit Bouillon Pharamond sert 450 couverts par jour ©Bouillon Pharamond

Christopher et Benjamin ont repris l’exploitation du restaurant Pharamond. Depuis huit mois, les deux hommes s’appliquent à une tâche : réussir à en faire un grand restaurant au circuit court. Ils aimeraient étendre leur modèle économique, avec des exploitants toujours plu près… voire l’achat d’une laiterie.

Tout le monde court dans tous les sens, il est midi : pas de doute, le petit Bouillon Pharamond fera encore le plein aujourd’hui. Voilà huit mois que Christopher et Benjamin ont repris le restaurant. Depuis, ils n’arrêtent pas. « C’est un bouillon, explique Christopher. Pas de réservation, des petits prix et un service rapide : il faut tenir le rythme ! » Avec un entrée-plat-dessert à moins de vingt euros, le restaurant détonne à côté des Halles. Problème : un monde fou se presse devant la porte. Deuxième problème, que nous confie Benjamin : « On est sur trois étages, c’est un monument classé : il faut courir partout, tout le temps, et on ne peut pas toucher à l’architecture. »

Les deux associés ont complétement changé le restaurant. Depuis huit mois, Christopher ne sort plus la tête de l’eau… il se souvient : « Le Pharamond était devenu un restaurant un peu chic au niveau des prix, mais pas au niveau de la carte. Un jour, un ami m’a donné le tuyau. L’exploitation pour une bouchée de pain… Ben et moi, on n’a pas hésité. » Les deux acolytes n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ouvrent leur sixième restaurant ensemble. Il leur en reste deux à l’heure actuelle. « On s’est rencontrés, ça a de suite marché… On avait un rêve, on le réalise avec ce bouillon », se réjouit Benjamin.

Leur rêve : « un bouillon à l’ancienne, pour les ouvriers. Mais avec de la qualité. » Et concernant la qualité, les deux compères ne mâchent pas leurs mots. « Rungis ou les grands fournisseurs, ça ne nous intéresse pas. On veut des produits frais, de proximité, et pas des intermédiaires qui saignent les exploitants ! » Conséquence, « la carte est longue et dure à mettre en place ». Recevoir chaque artisan dans un restaurant qui ne ferme jamais, un défi compliqué. « On essaie d’aller les voir, mais il faut quelqu’un pour faire tourner la boutique ! »

Bouillon, la cuisine à la Française

Justement, en ce mois de janvier, des producteurs arrivent. Olivier est éleveur-abatteur en Normandie. « Je viens de loin, en pleine grève, exprès pour eux ! » L’artisan, à la gouaille reconnaissable, connaît bien Benjamin et Christopher : il a travaillé avec eux dans deux autres restaurants. « Ça fait dix ans qu’on bosse ensemble ! Alors je commence à les connaître ! » Aujourd’hui, commande spéciale des deux patrons. Un classique de la restauration des bouillons ouvriers : le boudin noir. Arrivé avec un énorme sac, les saucisses, le pâté d’Olivier prennent toute la table… « De la vraie cuisine française, se réjouit Christopher. C’est ça qu’on aime travailler ! »

Christopher et Benjamin reçoivent les artisans avec leur chef ©OV

Les chefs de la cuisine s’occupent de la cuisson, et tout le monde goûte. « Ce qui me plaît, c’est cette ambiance familiale », apprécie Olivier. Pendant que le chef tente d’assaisonner le boudin et les pommes de vinaigre, tout le monde discute. L’artisan monopolise la parole « Il faudra venir voir mes bêtes, ça fait longtemps que vous n’êtes pas venus ! » Benjamin et Christopher se regardent. « On va venir faire un tour des exploitations en mars, on passera à ce moment-là ! » Les deux hommes l’assurent, ils connaissent « tous les artisans avec qui ils traitent ». Benjamin ajoute « soit ils viennent, soit on y va, mais on a déjà vu les bêtes qu’on mange, on connaît les personnes qui cultivent les pommes de nos desserts… C’est sportif, mais c’est ce qu’on aime ! »

Travailler avec des artisans en circuit court a un avantage : le prix. « Eux n’ont pas d’intermédiaire, appuie Christopher. Et nous non plus. On essaie de faire des efforts des deux côtés, pour que des fermiers qui bossent de 5 heures du matin à 22 heures soient payés comme il se doit ». Olivier y trouve son compte. Son exploitation tourne bien. « Ils savent d’où viennent les bêtes, ils ont confiance : moi, je baisse un peu mes prix, parce qu’ils commandent beaucoup. Ils me soutiennent bien ». « Heureusement, s’exclame Benjamin, on fait 450 couverts par jour ! Avec des prix plein tarif, on ne peut pas se permettre d’acheter n’importe où… et surtout pas à n’importe quel prix ! »

La cuisine tourne à plein régime

Des repas pas trop chers, avec des produits locaux, et avec beaucoup de service : le modèle économique du bouillon n’est pas toujours facile à tenir. « Peu de vacances, beaucoup de monde et pas un jour de fermeture », résume Christopher. Pour l’instant, l’affaire tient le coup. « Même avec les grèves de décembre, on n’est pas tombé en dessous des 200 couverts par jour. C’est le minimum, pour que notre modèle puisse tenir ! » Les grèves passées, les deux hommes ont vu le monde affluer dans les restaurants. « On est montés jusqu’à 650 couverts en une journée ! » Le restaurant ne se vide pas, c’est son fonds de commercer. Il ouvre sans arrêt de midi à 22 heures, « les jambes étaient lourdes à la fin ».

Pour travailler dans un bouillon, il faut tenir le rythme. Quand on est fournisseur du Bouillon aussi. Les deux collaborateurs se sont donc fixé des critères. « Des exploitations capables de tenir le rythme, avec de « vrais exploitants ». Et si on s’entend bien, c’est encore mieux ! » Dans le cas d’Olivier, tout semble fonctionner à merveille. « Bon là, il a encore essayé de nous vendre sa saucisse au couteau, s’amuse Christopher. Il sait qu’elle est trop chère pour nous ! Mais on ne lui en veut pas ! » Les trois hommes s’entendent bien. Et Olivier va pouvoir vendre son boudin, le chef a trouvé la recette. « On est contents, résume Benjamin. On voulait du boudin, on l’a. On a même pris du pâté en croûte. C’est français, c’est populaire : ça marche pour le bouillon ! »

Acheter une laiterie… et pourquoi pas un bateau de pêche

Mais les deux restaurateurs veulent aller plus loin. « On adore les bouillons, et on adore ce lieu », s’exclame Christopher. Les deux compères se sont ainsi mis en tête de rendre hommage à ce monument historique. « Pavillon Normandie » pendant l’exposition universelle de 1900, le Bouillon Pharamond possède une vraie entité normande… Christopher veut l’exploiter. « On veut la pousser au bout et fabriquer notre propre Camembert AOP ! » Pour cela, les deux restaurateurs-investisseurs se sont donnés un an pour trouver une « merveille (sic) : notre future laiterie ! »

« On est des fils d’ouvriers, explique Christopher. On veut revenir aux bases. Aux agriculteurs qui touchent moins de 600 euros ! » Les deux hommes ont trouvé leur objectif, en Normandie. « On veut entrer au capital d’une laiterie, détaille Benjamin. On veut aider cet homme qui n’a plus assez pour vivre. En contrepartie on a notre propre lait, notre propre crème, et notre propre Camembert AOP ! » Les deux dirigeants du Pharamond ont des idées. Entrepreneurs le matin, serveurs pendant la journée, ils mettent la main à la pâte. Et les idées au service de leur restaurant.

« Notre rêve, c’est d’acheter un chalutier », lance Christopher en riant. Sauf que le restaurateur ne rigole pas du tout. « Nous, on fait des produits de saison. Là, on a arrêté les bulots parce que c’est la saison de la reproduction, et qu’il faut protéger les animaux ». Mais pour mieux protéger les animaux, « quoi de mieux que de contrôler sa propre pêche ? » Les deux hommes ont de la suite dans les idées. « D’abord la laiterie. Ensuite, le bateau de pêche. » L’objectif final ? « Réussir, brise Christopher. Réussir, c’est ça l’important. On a un modèle, et on veut l’exploiter à fond. Contrôler au maximum la production de nos plats, pour être au plus proche de la nature, des éleveurs, et des consommateurs ».

Un problème de conscience se pose d’ailleurs pour les deux hommes : la bavette. « J’ai appris combien de grammes de bavette il y a par bœuf…. Je suis déprimé », lance Christopher en pleine réunion. D’après les calculs de l’exploitant, le nombre de bavettes vendues par jour dans son restaurant revient… « à tuer quarante bêtes par jour. C’est inhumain. » Pour les deux hommes, le souci est de taille. Benjamin est ennuyé. « La bavette à l’échalotte, c’est ce qu’on vend le mieux. Mais on n’a pas envie d’être totalement irresponsables… » Les deux hommes vont donc devoir trouver une alternative à leur « bestseller ». Mais pour cela, il ont une idée : « on va faire confiance à nos fournisseurs, ils sont toujours là pour nous aider. C’est pour ça, qu’on aime les courts-circuits ! »

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