Le confinement lié à la pandémie de Covid-19 est une catastrophe pour les commerces, qui voient pour la plupart leur chiffre d’affaire baisser inévitablement. Pourtant, le business des AMAP et de la livraison de fruits et légumes à domicile, lui, se porte bien, avec des chiffres en constante augmentation depuis deux semaines. Ainsi, de plus en plus de livreurs viennent déposer devant chez des particuliers leurs achats, en période de confinement, avec les risques que l’on imagine.
Le système ne date certainement pas du début de la pandémie. Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises vous proposent de vous livrer des fruits et légumes de saison (à votre domicile ou sur votre lieu de travail généralement), cueillis souvent le jour même ou la veille auprès de petits producteurs locaux. Un business censé être gagnant-gagnant puisque le consommateur achète des produits de qualité, le fournisseur réduit ses intermédiaires et augmente donc ses marges, le tout étant à la fois plus écologique et plus « juste » pour les agriculteurs, soumis sinon aux tarifs pas toujours à leur avantage de la grande distribution.
Ainsi, il n’est pas étonnant qu’en période de confinement, où les sorties sont réglementées et ou fatalement les produits frais peuvent venir à manquer, beaucoup se laissent tenter par ce genre d’achats, à la fois plus pratiques plus justes et plus écologiques. « Notre activité a plus que doublé », confirme ainsi le site Alancienne, un des poids lourds du secteur, qui annonçait un chiffre d’affaire de 60 000€ par semaine il y a un an, et le seul à bien avoir voulu répondre à nos questions. Pourtant, qui dit deux fois plus de commandes dit forcément deux fois plus de livreurs pour acheminer tous les achats. À première vue, cela ne sonne pas comme la meilleure idée du monde du point de vue sanitaire, que ce soit pour le livreur come pour les clients, surtout quand on parle de nourriture. « Nous avons mis au point la livraison sans contact », explique pourtant la marque. Comprenez : le livreur dépose le sac, sonne puis s’en va, et le client vient récupérer ses achats. « On a également redoublé les mesures barrières dans nos entrepôts, où tout le monde travaille avec des gants, des masques » continue le site, qui explique avoir déjà mis en place des règles d’hygiène stricte à l’origine.
« Avec ce système, je me mets moins en danger »
Alancienne s’appuie aussi sur un rapport de l’EFSA (European Food Safety Authority, ou Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire en français), daté du 9 mars, qui indique qu’il n’y a « aucune preuve que les aliments constituent une source ou une voie de transmission ». L’institution explique ainsi que dans le cas d’épidémie de coronavirus apparentés au Covid-19, comme celui du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (ou MERS-CoV), « la transmission via la consommation d’aliments n’a pas eu lieu. Pour l’instant, rien n’indique que ce coronavirus soit différent à cet égard ». Ainsi, si contagion il y a, ça ne peut être que d’humain à humain, via « des gouttelettes respiratoires lorsque les gens éternuent, toussent ou expirent ». « Il n’y a pas d’appréhension du côté de nos employés, poursuit Alancienne, ce sont des étudiants qui confectionnent les paniers », pour les livreurs, le site fait en revanche appel à un prestataire.
Mélanie Mâge est blogueuse, elle alimente notamment le site Consommactrice, centré sur l’ESS. Le 20 mars, elle a signé un article répertoriant toutes les AMAP et tous les sites du genre qui continuent de livrer en cette période, expliquant vouloir « soutenir au maximum les petits producteurs locaux et rester chez (elle) ». Elle s’est mise récemment à ce système de livraison. « Entre aller contaminer un supermarché, ou recevoir un panier tout en respectant les règles sanitaires, j’ai fait mon choix, explique-t-elle, mais je comprends qu’il y ait débat. Dehors, les gens ne respectent pas les distances de sécurité, donc personnellement je me mets moins en danger. Ça reste éthique et écolo pour moi, ça a pleins de points positifs, c’est pour cela que je mets en avant ces entreprises. »
Pas les seuls à faire appel à la livraison
Cité par France 3, la Ruche qui dit oui, autre plateforme de livraisons de produits locaux, se félicite également de ce boom. « D’habitude je livre 25 à 40 clients par semaine, là on est passé à 70 paniers » explique à la chaîne Lisa Desrues, qui joue les intermédiaires entre les clients et les producteurs en Loire-Atlantique,. Là aussi, l’entreprise promet que toutes les conditions d’hygiène sont respectées, des distances de sécurité jusqu’aux gestes barrière. Sur Facebook, la marque indique ainsi la « mise en place d’une distance de sécurité, de créneaux horaires aménagés, d’un circuit de distribution ou encore d’un drive » et la « fabrication de masques et présence de personnel de santé pendant la distribution ».
À noter pour finir, que Alancienne, la Ruche qui dit oui, et les autres plateformes du genre ne sont pas les seules à continuer à faire appel à leurs livreurs en ces temps de confinement, puisque les sites de prêt à porter, ou les entreprises comme Uber eats poursuivent également leurs activités normalement, tout comme la Poste et Colissimo jusqu’à récemment(la Poste ayant néanmoins annoncé un service moins fourni et une diminution des jours ouvrés de cinq à trois à partir du 30 mars).