Si la Chine centralise la production mondiale des jouets, cette assise engendre des problèmes en matière de santé et d’environnement pour cette industrie extrêmement mondialisée. En France, les acteurs du marché commencent à s’associer pour produire des jouets de qualité, innovants et respectueux de l’environnement. Un phénomène qui pousse les consommateurs à se tourner davantage vers le made-in-France.
78 milliards d’euros, c’est l’équivalent du PIB de Cuba. L’industrie du jouet génère beaucoup d’argent et fonctionne de la même façon depuis plusieurs dizaines d’années. Des grands groupes sont leaders du secteur comme Mattel ou Lego. La majorité des noms du marché sont américains, japonais ou européens. Pourtant c’est bien la Chine qui est le plus gros producteur de jouets dans le monde. L’expression « usine du monde » fonctionne parfaitement pour le secteur du jouet. Selon le Figaro, environ 80% de la production mondiale vient de Chine.
Selon le panéliste NPD, le marché français du jouet a généré 3,5 milliards d’euros en 2019. Selon ce même institut, c’est le cinquième plus gros marché mondial et le deuxième en Europe. Entre 2018 et 2019, la vente de jouets a augmenté de 2,8%. Plusieurs grandes marques historiques comme Mecanno et ses jeux de constructions ou encore Smoby Toys sont les leaders du secteur français. Ces produits sont très divers et servent un public plutôt large.
Des jeux de sociétés aux poupées et figurines en passant par les jouets d’imitation, l’industrie propose une gamme de produits qui lui permet de toucher de nombreuses cibles. Le ministère de l’économie estime que le marché français du jouet regroupe plus de 1200 salariés au niveau de la conception et de la fabrication pour un chiffre d’affaires total d’environ 500 millions d’euros. Pourtant, les marques françaises ne représentent que 14% du chiffre d’affaires du marché des jeux et des jouets en France selon le Journal de l’éco
Les marques françaises du jouet misent également sur l’étranger puisque toujours selon le Journal de l’éco, 45% de leurs ventes sont réalisées à l’export. Les fabricants français disposent d’ailleurs de partenaires privilégiés comme l’Italie où 25,7% des exportations ont été réalisées en 2017.
La production Chinoise pointée du doigt
L’omniprésence de la Chine dans la production des jouets est critiquée par plusieurs organismes. Les normes sanitaires et les conditions de travail ne sont pas tout le temps respectées. Plusieurs études montrent que certains jouets produits en Chine peuvent être dangereux pour la santé. C’est le constat réalisé par l’association 60 millions de consommateurs qui a mené une étude en 2009 sur des jouets en provenance de Chine. « Notre centre d’essais a analysé soixante-six jouets : des poupées, des peluches, des figurines, des coffrets de maquillage et de peinture, des déguisements…». En se basant sur les réglementations européennes de l’époque et sur plusieurs études scientifiques, ils ont remarqué que plus de 30 jouets contenaient des substances chimiques toxiques comme des phtalates. Depuis cette étude, aucune autre n’a été menée à la même échelle.
Une autre problématique de taille vient s’ajouter au tableau. Ces dernières années, la question de l’impact sur l’environnement se pose de plus en plus et le secteur du jouet n’est pas exempt de tous reproches. Entre les habitudes de consommation et les jouets qui viennent de l’autre bout du monde, l’industrie mondiale du jouet est loin d’être la plus respectueuse de l’environnement. Rien qu’en France, Brut estime que sept jouets sur 10 ne sont utilisés que 8 mois par les foyers. La plupart sont mis de côté ou pire jeté directement à la poubelle
Pour donner un ordre de grandeur, selon l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), la France a produit 326 millions de tonnes de déchets en 2017. Remis à l’échelle du nombre de tonnes de déchets en France, l’impact de l’industrie du jouet semble moins important mais reste malgré tout conséquent.
A première vue, le transport semble donc être un aspect non négligeable pour l’environnement. Pourtant, c’est loin d’être l’étape la plus polluante dans la vie d’un jouet.
Pour déterminer l’impact de l’industrie du jouet sur l’environnement, l’ADEME a mené une étude en établissant les différentes étapes du cycle de vie d’un jouet. Elle a distingué 6 grandes étapes. La production des matières premières, la fabrication du produit et de l’emballage, le transport, la distribution, l’utilisation du jouet et enfin, la fin de vie ou valorisation.
Certaines étapes ont plus d’impact que d’autres sur l’environnement d’après l’étude et deux ressortent tout particulièrement. « Les étapes qui impactent le plus l’environnement sont clairement la production des matières premières et la fabrication des jouets et des emballages. », affirme Emily Spiesser , experte en consommation responsable pour l’ADEME. Le plastique, le métal, le bois sont des matières premières qui ont un impact important sur l’environnement. Il existe quelques pistes pour réduire l’impact de cette industrie sur notre planète. Les français se séparent très vite des jouets qu’ils achètent.
La durée de vie d’un produit est donc très faible et c’est un vrai problème selon Emily Spiesser. L’augmentation de cette durée de vie est la clé pour réduire au mieux l’impact d’un jouet sur l’environnement. « C’est parce que les impacts environnementaux majeurs sont avant la fabrication que l’allongement de la durée de vie des produits est fondamental. Si un jouet dure plus longtemps, on repassera moins souvent par l’étape de production des matières premières et de fabrication du jouet qui touchent le plus l’environnement. ».
La valorisation du produit est également une étape importante. « L’idéal c’est d’avoir un jouet conçu exprès pour être démonté et recyclé », déclare Emily Spiesser. En fonctionnant sur cette logique, il est possible de recycler des vieux jouets et donc de limiter la production de matière premières.
Il est également possible de réduire l’impact environnemental de l’utilisation des jouets. Pour les jouets électroniques par exemple, il est plus judicieux de concevoir des jouets qui n’ont pas besoin de pile. D’après Emily Spiesser, utiliser l’énergie directement depuis une prise électrique revient presque 3000 fois moins cher que d’acheter des piles jetables. Pourtant la majorité des jouets électroniques fonctionnent toujours avec des piles.
C’est donc une industrie polluante pour diverses raisons mais qui pourrait s’améliorer dans les années à venir. Des associations comme l’Association des Créateurs-Fabricants de Jouets Français œuvrent dans ce sens en essayant de produire globalement des jouets plus respectueux de l’environnement. Il existe également d’autres acteurs beaucoup moins importants qui se sont emparés du sujet du jouet à des fins écologiques mais également sociales.
Travailler dans le secteur du jouet autrement
Il existe d’autres structures implantées sur le marché du jouet en France qui n’ont pas de vocation commerciale. Ce sont des associations qui ont d’abord pour but la restauration de jouets, leur recyclage, mais également la réinsertion professionnelle. Elles allient donc problématiques environnementales et sociales.
Des structures comme l’association Rejoué ou encore l’ADF 02 fonctionnent de cette façon. Elles ont toutes les deux pour but la réinsertion professionnelle de leurs employés et ont choisi le secteur du jouet pour y parvenir. C’est un choix qui s’explique par des convictions écologiques mais pas seulement. Pour Sarah Collet, directrice de l’ADF 02 à Guise, c’était un bon moyen d’intégrer des femmes. « De nombreuses associations de réinsertion professionnelle sont axées sur la restauration du patrimoine, les chantiers… C’est un endroit peu ouvert aux femmes. Je voulais créer un espace de réinsertion pour tous, et les jouets me paraissaient être une bonne idée », explique-t-elle.
L’ADF 02 récolte les jouets qu’elle restaure à de nombreux endroits. Entre les partenariats avec la déchèterie locale, les entreprises et les particuliers qui viennent directement à l’atelier, la structure a toujours un bon stock. Lors de la création de sa structure, Sarah Collet a été surprise par ce qu’elle a pu récupérer. « Je n’aurais jamais pensé qu’il y avait autant de jouets jetés. Parfois même ils sont neufs… Les gens qui viennent acheter chez nous se sensibilisent énormément à ce gaspillage de masse, et changent beaucoup leurs habitudes. »
L’association ADF 02 reçoit environ 1000 jouets par an, et rares sont ceux qui restent longtemps dans les ateliers. Les clients sont au rendez-vous et la structure a même mis en place un Click&Collect avec la pandémie.
Ainsi, beaucoup de jouets jetés sont facilement récupérables et peuvent être revendus comme neufs. Face à une industrie qui produit le plus souvent des jouets avec une faible durée de vie, des acteurs comme Adf 02 et Rejoué se positionnent et proposent donc une autre vision au consommateur. Ce sont deux associations qui n’ont aucun but commercial mais qui parviennent à subvenir à leurs besoins financiers en fonctionnant de cette façon. Cela prouve bien que les français sont sensibles à cette thématique.
Face à une industrie mondialisée, certains acteurs s’organisent pour proposer une autre façon de fonctionner. Les créateurs et les fabricants français tentent de surfer sur la vague du made-in-france en proposant des produits de qualité plus respectueux de l’environnement et des conditions de travail des salariés. Même si ce combat ressemble à celui de David contre Goliath, les chiffres du marché français montrent que les efforts semblent payer petit à petit.
Entre 2018 et 2019, le nombre de jouets vendus a augmenté de 2,8%. Avec la crise sanitaire actuelle, il reste à savoir si les habitudes des consommateurs vont continuer à se recentrer sur des productions locales comme on peut le voir depuis plusieurs années dans de nombreux secteurs.