Les faces cachées du cannabis

(Crédit : Pixabay)

Le chanvre est généralement connu sous une forme de drogue douce. Cependant, son utilité ne se limite pas seulement à un usage récréatif. Traitements médicaux, isolant, textile ou produits cosmétiques, cette plante regorge de propriétés exceptionnelles, encore trop méconnues du grand public.

Des champs de marijuana qui se retrouvent au milieu des champs de blé ou de tournesol en France, est-ce possible ? Avant le 20e siècle, c’était le cas. Malgré un climat qui est loin d’égaler celui de la Jamaïque, la richesse des terres françaises permettait et permet toujours de cultiver cette plante. Avec un cycle de saisons qui est avantageux, l’ancienne Gaule pouvait abriter sur tout son territoire une production de marijuana généreuse.

Contrairement aux productions agricoles qui utilisent des engrais chimiques et des pesticides, la marijuana n’en a pas besoin car elle est très résistante contre les parasites. « Une des particularités du chanvre est qu’il est également dépolluant. Si un sol contient des métaux lourds, cette dernière va pouvoir les éliminer au bout de quelque temps. C’est la reine des plantes ! », se réjouit Yoan Paulvé, producteur de chanvre dans le Vaucluse depuis six ans. Autre atout, la marijuana fait parti de la famille des bambous et peut se passer d’eau pendant plusieurs jours. Ses racines plongent même jusqu’à 1 mètre de profondeur pour capter des ressources d’eau. « Cette plante est autosuffisante dans l’organisation d’une ferme. Il y a 200 ans, il y avait des cultures de chanvre un peu partout en France. On l’utilisait par exemple, comme insecticide dans les basses-cours pour désinfecter et purifier les poulaillers. En plus, donner en alimentation de la graine de chanvre vaccine naturellement les poules », explique Yoan Paulvé.

En France, les producteurs de chanvre, ou chanvriers, peuvent faire pousser des pieds de marijuana dans leur exploitation, si ces derniers ne dépassent pas les 0,2 % de THC. À partir des graines de chanvre, on peut fabriquer de l’huile vierge bio, très riche en oméga 3 et 6. Avec une première pression à froid, cette essence est parfaite pour les assaisonnements de salade, mais également pour les produits cosmétiques. Le célèbre visionnaire de l’automobile, Henry Ford, avait même créé dans les années 30, un matériau en plastique réalisé à partir de graine de chanvre et de soja. Cette innovation est depuis reprise par les grands industriels automobiles, car son utilisation permet de garantir une qualité haut de gamme.

Sauf que l’utilisation de cette plante ne se limite pas qu’à ses graines. Les tiges de chanvre sont très efficaces pour la fabrication de matériaux d’isolation thermique, avec une économie de 80 % du chauffage. Les textiles sont très résistants et ont une durée de vie supérieure au coton. Bouddha était l’un des plus adeptes pour se vêtir avec des étoffes de chanvre.

En ce qui concerne les fleurs du chanvre, la vente et la fabrication sont interdites en France. Les producteurs sont obligés de jeter ces dernières sous peine d’un an d’emprisonnement et 3750 € d’amende. C’est un gâchis énorme pour les agriculteurs, car la fleur du chanvre renferme un principe actif qui est le cannabidiol, ou plus communément appelé CBD.

De l’or vert pour les agriculteurs

Les agriculteurs français, qui se convertissent en producteur de chanvre, ne font pas d’eux des narcotrafiquants. Il faut voir plus loin. Cette production permettrait de doubler leurs revenus. Il faut rappeler que les agriculteurs travaillent en moyenne plus de 60 h par semaine pour toucher à peine de le SMIC. « J’ai un élevage de bovin sur mon exploitation et je produis également du chanvre. Je peux produire 25 kilos par hectare par récolte, sachant qu’on peut avoir 4 récoltes par an. Je m’en sort mieux financièrement avec le cannabis », argumente Jouant Chatoux, producteur de chanvre au plateau des mille vaches dans la Creuse.

L’État français serait également gagnant. Selon un rapport de Terra Nova de 2014, une dépénalisation de l’usage du cannabis réduirait les coûts de la répression de 300 millions d’euros. De même que la légalisation de la production, de l’usage et de la vente rapporterait 1,3 milliards d’euros à l’État. Cependant, ses chiffres regroupent l’utilisation du chanvre thérapeutique et récréatif. « Dans certains états des États-Unis, la légalisation du cannabis thérapeutique a permis la création de nouveaux emplois et d’une nouvelle économie », explique Jouant Chatoux. Selon une étude du cabinet spécialisé dans l’étude chiffrée de l’impact de la légalisation de l’usage du cannabis New Frontier Data, plus de 250 000 emplois pourraient être créés et rapporté 25,6 milliards de dollars à l’économie Américaine d’ici 2025. 

Une avancée médicale

Le chanvre est utilisé depuis des millénaires, surtout en Asie et dans l’Egypte Antique, pour ses propriétés médicinales. Le cannabidiol contient une molécule qui renferme des propriétés relaxantes et antidouleurs. Des chercheurs israéliens de l’université Hébraïque ont réussi à trouver dans le CBD des remèdes pour agir contre l’épilepsie, la schizophrénie, les diabètes de type 1, certains cancers et maladies mentales. De plus, ses chercheurs sont en train d’étudier un nouveau traitement pour l’endométriose, qui touche 180 millions de femmes dans le monde.

« Je vends des huiles essentielles de chanvre et je peux vous dire que son apport en énergie est incroyable. Certaines huiles essentielles ne sont pas comestibles et se limitent à des utilisations spécifiques. Celle du chanvre est exceptionnelle, qui sans contre-indication peut se boire et se manger », détaille Yoan Paulvé. La reine Cléopatre et Elisabeth II l’utilisaient contre les infections vaginales ou pour leurs règles douloureuses.

Dans 17 pays européens, cette substance est cultivée légalement et de plus jugée sans danger par des médecins. Des patients souffrant de maladie rares ingèrent quelques gouttes d’huile de CBD, en substitut des traitements lourds et chimiques. Cependant pour se procurer une fiole de cannabidiol il faut une ordonnance, mais d’un autre pays européen, car la France n’est pas encore favorable à la vente de cette dernière. « Depuis 9 ans, je produis du chanvre dans mon exploitation pour en faire du CBD. Dans notre catalogue de graine, nous pouvons en France cultiver certaines variétés de cannabis, mais il y a un flou juridique sur la production de la fleur de chanvre pour le CBD », explique Jouant Chatoux. En Europe, le catalogue regroupe environ 40 variétés, dont 15 sont intéressantes en terme de cannabidiol. Seul le chanvre récréatif et thérapeutique, supérieur au 0,2 % de THC, ne sont pas référencé.

Cette attente indécise du gouvernement français est d’autant plus incohérente dans sa législation car elle autorise la production de pavot pour en faire de l’opium, donc de la morphine. La seule et unique raison de l’interdiction du cannabis se résume à son image de drogue et de trafic illicite. « Notre pays diabolise le cannabis depuis 200 ans, car les grands industriels ou les entreprises pharmaceutiques ont peur de faire faillite du jour au lendemain. Le chanvre est une plante qui peut être utile dans n’importe quel domaine, du médical à l’alimentation, ou pour la construction d’une habitation », détaille Alexis Chanebau, auteur du livre Le chanvre (cannabis) : du rêve aux mille utilités.

Cette diabolisation de cette plante vient tout droit des États-Unis. Les multinationales sont les ennemis numéro 1 du chanvre. Avant la Seconde Guerre mondiale, les USA étaient les premiers producteurs mondiaux de cannabis, dans le secteur du textile, de l’alimentation et du plastique. « Avec la montée du pétrole et de ses gros industriels, le chanvre devenait trop concurrentiel pour ces derniers. Ils l’ont donc interdit et ont importé cette idée en Europe avec le Plan Marshall », argumente Alexis Chanebeau. À la suite de cette idéologie, la Convention unique sur les stupéfiants des Nations Unies ont adopté en 1961 son interdiction sous toutes ses formes dans le monde entier, en faisant l’amalgame que le chanvre récréatif et du bien-être étaient de même nature.

L’Assemblée nationale a voté le 25 octobre 2019 une mesure tangible. La France va pouvoir expérimenter pendant deux ans l’usage du cannabis thérapeutique sur 3 000 personnes début 2020. « Pour les producteurs français de chanvre ça ne va absolument rien changer. Les patients devront se fournir à l’étranger pour leur traitement au CBD. L’État préfère importer que produire. On est très en retard dans l’autorisation du CBD en France », argumente Jouant Chatoux. La France est la cinquième industrie pharmaceutique au monde avec la société Sanofi, qui fabrique principalement des traitements pour la chimiothérapie, donc les bénéfices avec le CBD pourrait nuire aux intérêts de ces entreprises. En 2017, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a même soutenue la vente libre des médicaments à base de codéine. Une décision qui montre bien l’intérêt du gouvernement à soutenir ses industries chimiques, sous prétexte qu’il n’y a rien d’autres.

Pour faire barrage à ses lobbys pharmaceutiques quelques politiques comme le député LREM, Jean-Baptiste Moreau, s’engage pour la dépénalisation du chanvre. Une commission parlementaire est en train de mettre en place un projet de légalisation du cannabis médical dans la Creuse afin de redynamiser le département et de créer de nouveaux traitements. L’idée est de créer une filière française pour le CBD et être sur le même pied d’égalité que nos voisins européens.

Selon un récent sondage, 1 Français sur 2 est favorable à la légalisation du cannabis thérapeutique. Une mesure qui pourrait rapporter jusqu’à 600 millions d’euros par an à l’Etat Français. Au niveau mondial, cela représenterait 220 milliards d’euros par an, que ce soit pour le cannabis thérapeutique, industriel, agricole, récréatif et bien-être. 

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