Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises ont l’obligation de se doter d’un plan capable d’augmenter l’efficacité de leurs déplacements, tout en limitant les émissions de CO². Explications.
Covoiturer, prendre les transports en commun, ou rapprocher son bureau de chez soi… Voici quelques alternatives pour les entreprises, face à la mise en vigueur, depuis le mois de janvier, du plan de mobilité. En effet, l’article 51 de la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte oblige dans le périmètre d’un plan de déplacements urbains, toutes les entreprises regroupant plus de 100 salariés sur un même site à adopter un plan de mobilité (PDM).
En d’autres termes, chaque entreprise concernée doit proposer à ses collaborateurs et salariés des modes de déplacements alternatifs à la voiture individuelle, pour leurs trajets professionnels et domicile-travail. En cas de non respect de cette nouvelle loi, l’entreprise sera sanctionnée. « L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) est un organisme public affilié au Ministère de la transition écologique et solidaire. Au-delà de nos études, nous proposons un ensemble de subventions relatives au développement durable, aux entreprises. Une entreprise qui n’applique pas cette loi, ne pourra plus bénéficier des aides techniques et financières de l’Ademe, et ce, même si elles ne concernent pas le plan de mobilité », précise Christelle Bortolini, chargée de mission du service Organisations urbaines de l’Ademe.
Des résultats bénéfiques pour tous
L’adoption d’un plan de mobilité n’a cessé d’évoluer au cours des dix-huit dernières années. La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a incité, pour la première fois, les entreprises et administrations situées en agglomération à opter pour un plan de déplacements urbain (PDU). Six ans plus tard, un décret a imposé aux administrations publiques de l’Etat (situées dans une agglomération de plus de 100 000 habitants) de se doter d’un plan de déplacement. « Grâce à l’instauration de la loi de la transition énergétique pour la croissance verte, il y a une vraie réflexion autour des plans de déplacements en entreprises (PDE). Auparavant, le terme PDE était automatiquement associé aux trajets domicile-travail, et donc au covoiturage et aux transports en commun. Or, les PDE concernent l’ensemble des déplacements liées à l’activité d’une entreprise : l’ensemble des flux des clients, fournisseurs et salariés d’une entreprise. Les solutions peuvent être diverses. Cette loi a plus d’impact. Néanmoins, elle n’est pas définitive : d’autres évolutions sont à venir en juin prochain », spécifie Christelle Bortolini.
L’adoption d’un plan de mobilité présente de nombreux bénéfices. Malgré son coût éventuel, elle permet de faire sur le long terme de nombreuses économies. Grâce au plan de mobilité, une entreprise peut par exemple, diminuer ses frais de transports, optimiser son fonctionnement à travers ses déplacements, et gagner en productivité. « L’une des autres vertus, c’est l’enjeu sociétal. En effet, nous avons observé que l’application d’un plan de mobilité présente de nombreux bienfaits pour le salarié. Tout d’abord, il permet de diminuer leurs frais de déplacement, mais aussi de limiter les accidents domicile-travail. Avec un PDM, les salariés gagnent en confort : il y a moins de stress, moins de perte de temps dans les transports, et surtout plus de dialogue social au sein de l’entreprise »,ajoute la Chargée de mission. En matière d’environnement, il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le bruit, le trafic routier ou encore la demande énergétique. Le plan de mobilité permet également de récupérer les espaces publics à travers une diminution du stationnement sur la voie publique.
Quelles solutions pour mon entreprise ?
La mise en place d’un plan de mobilité prend du temps. Elle s’étale en général sur plusieurs mois. Pour la mettre en place, deux alternatives sont possibles : « L’entreprise peut s’organiser en interne, c’est-à-dire qu’elle va libérer un poste sur quelques heures du temps de travail du salarié, pour qu’il puisse mettre en place un plan de mobilité. En général, il s’agit d’un salarié issu du service des ressources humaines ou de la direction générale. L’entreprise peut également faire appel à des bureaux d’études spécialisées en RSE ou en PDE », indique Christelle Bortolini.
Parmi ses organismes spécialisés, Faciligo est un réseau social qui facilite la mobilité par la mise en relation des voyageurs et des entreprises. « Faciligo est né à partir d’un constat. Il y a deux ans, lorsque je travaillais dans une autre structure, j’ai identifié un besoin de plan de mobilité auprès des personnes à mobilité réduite (PMR). Pour résoudre ce problème, j’ai voulu mettre en relation ces personnes avec d’autres voyageurs qui feraient le même trajet et qui seraient volontaires pour les aider. Très vite, j’ai commencé à développer avec mon équipe, un algorithme. Petit à petit, nous nous sommes aperçu que ce besoin pouvait s’identifier à tout le monde. Nous l’avons donc développé pour tous », explique Hind Emad, présidente et co-fondatrice de la société. « Aujourd’hui, l’objectif premier pour Faciligo est de renouer le lien social. De ce fait, notre plateforme identifie les personnes qui travaillent dans une même zone, de façon à leur proposer de partager un trajet ensemble. Parmi nos solutions, nous proposons la prise de transports en commun et de covoiturage. »
Ce concept innovant aura permis à Faciligo d’obtenir non seulement le soutien de plusieurs entreprises et collectivités (SNCF,Maïf, Montpellier Méditerranée Métropole, Région Occitanie/Pyrénées-Méditerranées), mais aussi plusieurs prix (Smart Tech 2015, de l’Handi Tech Trophy 2017 et du Trophée SilverEco 2017). « A ce jour, de grandes structures comme Engie, Total, ou encore des organismes de mutuelles et d’assurances, ont adhéré à notre concept. Le but pour les entreprises, c’est de pouvoir mettre leurs salariés en lien avec le réseau Faciligo », définit la fondatrice.
EM services (Entreprises mobilités services) est un cabinet de conseil spécialisé en stratégie d’implantation immobilière, mais aussi en transport et en mobilité. « En matière de mobilité, nous avons deux typologies de clientèle : d’un côté les entreprises, de l’autre les collectivités locales et territoriales. Le panel de solutions de mobilité durables est connu depuis bien longtemps : il y a les transports en commun, le covoiturage, le télétravail, les modes actifs tels que le vélo. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule et unique solution de mobilité pour une entreprise, mais un mixte de solutions en fonction du contexte de l’entreprise, du territoire, des salariés. Il ne faut pas oublier que la situation des fournisseurs et des salariés d’une entreprise varie. Le travail d’EM Services est d’analyser la zone de pertinence de chaque solution en fonction de chaque contexte. Ensuite, nous allons mettre en place des dispositifs qui rendent possible ce panel de solutions. Par exemple, nous travaillons avec beaucoup d’entreprises qui ont un parc immobilier conséquent (réseau d’agences ou de bureaux). En plus des solutions comme le covoyage, ce qui peut-être intéressant, c’est de permettre aux salariés d’accéder une à deux fois par semaine à un bureau dans une agence plus proche de leur domicile », confie Anne-France Rivière, Directrice Générale d’EM Services. En terme de prestations, tout va dépendre du nombre de services et de prestataires dont l’entreprise aura bénéficié.
Parmi les autres solutions de mobilité, il y a celle qui consiste à mettre en place un système d’échange de poste au sein des grandes entreprises. C’est ce que propose la start-up de conseil en RSE et développement durable, Tinto-Eco. « Mon entreprise est née à partir d’un constat. Un bon nombre de personnes habitent loin de leur lieu de travail. Par exemple, j’ai un ami, qui habite à Puteaux (92) et travaille à Bondy (93). Pour lui, se rendre au travail tous les matins est un véritable calvaire ! Au lieu d’opter pour une solution de mobilité classique, je me suis aperçu que si les entreprises optaient pour un système d’échange de poste, ils réduiraient beaucoup plus efficacement leur empreinte carbone et leur dépenses », évoque Mahamadou Diagouraga, Fondateur et PDG de la start-up de Tinto-Eco.
Cette solution de mobilité se décline en deux programmes : le tintomoov qui est adressé aux entreprises (établissements bancaires, organismes de santé, grands groupes), et le tinto place qui est destiné aux collectivités et aux entités indépendantes (mairies, entreprises publiques à caractère privé). « Pour mettre en place notre solution, nos experts vont d’abord analyser la base RH du siège de l’entreprise. L’idée est d’essayer de détecter des rapprochements possibles pour les salariés. Pour cela, la direction va définir quel type de personnel, nous pouvons rapprocher. S’ils ne veulent pas que l’on déplace les directeurs, on ne le fera pas. Une fois cette analyse effectuée, nous proposons notre solution. Le salarié, et le responsable du site en question est ensuite consulté. Si le salarié ne souhaite pas changer son lieu de travail parce qu’il s’y sent bien, il ne sera donc pas muté. Si le responsable d’un site ne veut pas voir un salarié partir, alors le plan d’échange de poste ne sera pas pris en compte. Notre solution doit correspondre à tout le monde », conclut le PDG de Tinto-Eco.