Ile-de-France : des ateliers associatifs prônent le vélo solidaire

Image : Pixabay

Depuis le début des années 2000 un mouvement vise à promouvoir l’utilisation du vélo comme un moyen de déplacement. Fondé il y a 6 ans, l’Atelier Vélorution Bastille a gardé ce nom en hommage à la précédente équipe, qui a créé l’association. Il est situé au 6 rue Jacques cœur, dans la Maison du vélo de Paris.

Le vélo solidaire est une idée qui se répand petit à petit dans Paris, il y a 891 adhérents cette année rien que pour l’Atelier Bastille. Un véritable succès pour cette structure de 100m², capable d’accueillir une trentaine de personnes, et qui n’a obtenu sa place dans la Maison du vélo que sur un « coup de poker » comme le dit son ancien président, Yuri Derian, encore en fonction lors de la dernière assemblée générale de l’association.

Un “coup de poker”

Car le pari était risqué. Comme le raconte l’ex-président, avant de devenir la Maison du vélo, le lieu était un squat dans les locaux abandonnés de la Maison roue libre. Le but de la précédente structure était d’y louer des vélos et c’est grâce à la presse que le conseil de Paris s’est intéressé au sujet. La mairie a alors soutenu l’initiative de promouvoir l’utilisation du vélo dans l’agglomération. L’atelier et la Maison du vélo ont été inaugurés le 17 septembre 2011, mais l’action continue toujours avec ses hauts et ses bas.

L’assemblée générale de l’association, en plus de voter pour le nouveau collège d’administration, a été l’occasion de faire le bilan de l’année pour l’atelier mais aussi du mouvement Vélorution en général, bien que les deux entités soient séparées depuis trois ans. L’atelier propose en premier lieu des sessions d’auto-réparation (ou réparations solidaires) les mardis et dimanches toutes les semaines, encadrées par des bénévoles. On s’y occupe des crevaisons, des patins, de l’état des freins, des dérailleurs, roues voilées et même de monter son propre vélo pour les plus courageux.

L’association en elle-même ne fait payer que 10 euros l’adhésion car la Mairie de Paris fournit l’électricité, le local et l’emplacement, « ce qui permet une adhésion à bas prix, sinon le coût monterait à 60 euro l’année. »  Yuri Derian ajoute : « On est la première et probablement la dernière association à ne pas avoir de salariés, on maintient ce système pour permettre à nos adhérents un montant qui n’est pas important. »

“Ça peut devenir compliqué, mais c’est une belle expérience humaine”

Ce prix, battant n’importe quelle concurrence professionnelle, a ses avantages mais aussi ses  inconvénients – l’implication des adhérents en particulier. Au moment de l’assemblée générale, le 9 décembre dernier, l’atelier comptait 891 membres, soit une baisse de 11% comparé à l’année précédente selon l’association. « Ce n’est pas un problème, l’atelier a fermé deux mois pour travaux et les gens vont simplement dans de nouveaux ateliers plus proches de chez eux. Ça permet de répartir les cyclistes et de faire respirer notre association. » explique Mr Derian. « Avant il y avait une dizaine de personnes qui se présentaient à l’assemblée générale, l’année dernière on était 5 ». Le nombre de participants est malgré tout plus important cette année avec une trentaine de personnes présentes.

Le vrai problème réside dans le fait que les membres ne soient pas réguliers et qu’il y a un cruel manque de bénévoles : « Les gens sont plus consommateurs qu’adhérents. Être bénévole ça prend du temps, il faut bloquer une journée et ça demande de l’engagement, du coup on a soit des gens qui reviennent souvent soit d’autres qui ne passent que quatre à cinq fois dans l’année ». Quant à l’effectif régulier, « il est d’environ 300 personnes, avec 5 nouvelles personnes lors de de chaque nouvelles sessions, que ce soit pour un renouvellement ou bien des gens curieux ».

Pour éviter les abus (comme récupérer des pièces détachées et repartir immédiatement, ce qui arrive souvent), une proposition d’augmenter le prix de la cotisation avait été mis sur la table, mais le collège de l’association ne l’a pas voté. Les bénévoles essayent d’accueillir le mieux possibles les adhérents, et certains « reviennent parfois aussi pour le contact humain et pas pour le vélo, l’ambiance est globalement joviale ici ». Ils ne sont pas au service des adhérents mais plutôt présents pour apporter des conseils, il est arrivé que des gens impressionnent à l’atelier :  » Si un vélo est complet on le donne à un adhérent, et si la personne a du mal avec la mécanique, on lui donne un vélo relativement complet pour qu’elle s’entraîne. Parfois j’ai vu des personnes qui n’y connaissaient rien partir d’une carcasse et repartir avec un vélo complet au bout de 2 mois, c’était incroyable ».

La structure se force tout de même à attirer le plus de monde possible, différentes activités sont proposées comme un atelier non mixte pour les femmes rebutées par l’ambiance trop masculine de la mécanique ou encore des apéro-démontage, où les adhérents ramènent des vélos de la déchetterie pour récupérer les pièces détachées, que ce soit des selles, des pneus ou encore des guidons, le tout en mangeant dans une atmosphère conviviale.

L’ambiance reste pourtant tendue juste avant l’assemblée générale et certains sourires sont crispés. Yuri Derian explique cela : « Entre avoir quelqu’un qu’on apprécie en face de soi, et travailler avec elle, ça peut devenir compliqué, mais c’est une belle expérience humaine ». La remarque est ponctuée par un membre de l’association se plaignant du manque d’organisation : « La structure n’est pas pyramidale et tout le monde donne son avis, contrairement aux autres ateliers ».

Un modèle d’association qui se développe en Ile-de-France  

Car les autres ateliers, eux, comportent des différences notables : ils possèdent des salariés et payent un local. Le président de l’Atelier Bastille à tout de même établi une comparaison :  » Beaucoup nous ont copiés […]  et chaque atelier a ses problèmes, pour nous c’est le manque de bénévoles, pour les autres c’est l’argent ». Ils sont nombreux à se développer aujourd’hui alors qu’en 2010 ils n’étaient qu’une trentaine. Dans la région d’Ile de France on peut en citer quelques-uns : l’association Vélosolidaire et son atelier Véloservice à Cergy Pontoise, les sept ateliers SoliCycle, les trois ateliers Cyclofficine créé par des Italiens qui découlent du mouvement Vélorution ou encore l’association la Petite Rockette avec l’atelier la Cycklette dans le 11ème arrondissement de Paris.

Ces associations proposent soit des actions de proximité et de sensibilisation au vélo dans les quartiers, des formations en mécanique ou encore des bourses aux vélos pour se financer.  Mais elles servent aussi de chantier d’insertion professionnelle et sont toujours à la recherche de bénévoles pour les aider.

Dominique Carno, membre et salarié de l’atelier la Cycklette, était aussi présent à l’assemblée générale de l’atelier Bastille, car le secteur est solidaire et les ateliers se connaissent. S’il n’y a pas forcément d’actions conjointes car chacun s’occupe de ses propre problèmes, l’idée du regroupement d’ateliers et des cyclistes ne rebute pas. « C’est l’ancienne équipe qui a créé l’association Vélorution, les précurseurs du mouvement, mais de nos jours, l’Atelier Bastille est considéré comme une usine » dit-il en riant.

La Cycklette existe depuis avril dernier, avec leurs salariés ils sont ouverts du mercredi au samedi. Ils font aussi de l’auto réparation mais sont catalogués atelier de réparation et peuvent s’occuper d’un préjudice ou d’un dommage en plus de faire de l’entretien. Dominique parle d’environ 350 adhérents dans son atelier, ce qui rejoint les propos de Yuri Derian ; les gens migrent vers d’autres endroits car ils ne veulent pas laisser leurs vélos prendre la poussière. Leurs salariés peuvent démonter et remonter des vélos et les clients viennent pour les mêmes soucis qu’à Bastille : le réglage ou encore l’entretien en général. « On travaille aussi avec les enfants, on leur fait faire des stages, on organise des animations dans la rue parce qu’on a des salariés et une structure plus stable qu’avec de simples bénévoles ». L’atelier repose tout de même sur eux car « c’est un projet avant tout, plus qu’un service ».

« On a une empreinte écologique avec le réemploi de pièces d’occasion viables pour éviter l’achat de pièces neuves, c’est pareil pour les meubles ou les voitures. Le vélo a une centaine de pièces et ce n’est pas si compliqué, c’est même à la portée d’un enfant mais au final peu de gens savent comment ça fonctionne ».

Pour la Cycklette, « Le prix d’adhésion est libre mais avec un montant conseillé, les gens peuvent même donner plus », ce qui les amène à des adhésions de 20 euros à l’année pour un prix normal, « C’est faible par rapport aux services chez un professionnel, où une simple crevaison coûte minimum 18 euros. »

“La ville de demain ce n’est pas une ville où il y a des bagnoles”

Ce qui lie toutes ces associations reste encore la mobilisation pour une utilisation plus fréquente du vélo. « Il y a un besoin d’avoir un atelier par arrondissement, voir plus […] La ville de demain ce n’est pas une ville où il y a des bagnoles. C’est un abandon de privilège de la part des automobilistes mais il faut s’adapter. Les alternatives comme les transport en commun doivent aussi suivre. »

En 2015, la Maire de Paris, Anne Hidalgo, a lancé le plan vélo 2020 pour rattraper les villes modèles que sont Copenhague et Amsterdam, ou même les bonnes élèves françaises comme Strasbourg, Lyon et Nantes. 150 millions d’euros ont été débloqués pour faire en sorte que les trajets en vélo passent de 5% à 15% d’ici 2020, pour atteindre 1400 kilomètres de pistes cyclables dans la capitale et lancer des projets ambitieux comme des axes cyclables Est-Ouest et Nord-Sud.

« On le sait que le projet aura du retard par rapport aux objectifs avancés et que Paris ne sera pas la capitale écologique d’Europe avant un long moment mais ce n’est pas une raison pour désespérer » note Dominique. Le site Paris.fr, directement placé sous la responsabilité de la Direction de l’Information de la Mairie de Paris, titrait pourtant le 4 décembre dernier que 20% du plan allait déjà être finalisé en fin d’année et que six sites emblématiques des déplacements cyclistes dans Paris avaient vu leur fréquentation augmenter de « 21% entre le 4ème trimestre 2016 et le 4ème trimestre 2015 ».

L’Atelier vélorution est né il y a six ans, ce qui n’est pas une simple coïncidence pour son ex-président : « Cela concorde avec l’arrivée des pistes cyclables, et elles sont là parce que l’Union européenne impose des quotas aux grandes villes ». Malgré tout, « elles n’étaient pas adaptées à l’époque. Les nouveaux aménagements sont corrects, mais la cohabitation est dure. Sur l’avenue de la Grande Armée par exemple, il y a une piste avec un séparateur très plat, et des voitures étaient déjà garées dessus le lendemain de sa création. »

Dominique Carno rajoute  » Si on ne propose pas des infrastructures sûres, les gens ne viendront pas faire du vélo, c’est parce qu’on crée des pistes cyclables que les gens viennent, et pas l’inverse. La piste finira par être pleine justement parce qu’on l’a construite ». L’autre problème, avec la démocratisation du vélo, c’est le vol : « On note une délinquance en baisse sauf pour les vélos et si tu te fais voler deux ou trois fois tu en as marre, et comme il n’y pas de garage à vélo sécurisé sur la voie publique, les gens arrêtent d’essayer. »

Malgré tous ces problèmes, le mouvement s’agrandit et la popularité des ateliers augmente, la Cycklette et l’Atelier Bastille en sont les preuves concrètes. «La révolution, c’est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe».

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