Chaque année à l’ECV, une école des métiers du digital à Paris, l’ensemble des étudiants participe à une compétition solidaire. Pendant 48h, ils doivent développer un projet grâce à aux compétences apprises en cours. Pour cette édition, ce sont dix entrepreneurs de start-up qui ont nécessité leurs services afin de lancer leurs applications liées l’Économie Sociale et Solidaire.
Un hackathon annuel au service d’entrepreneurs sociaux ? C’est le défi que représente « HackForImpact ». À l’origine du projet, l’école ECV Digital Paris, une école du digital qui forme aux métiers de développeur web, d’UX designer ou encore de Web Marketeur. Lancé il y a 4 ans, cet événement annuel regroupe tous les étudiants de l’école dans le but de pousser le développement de projets de l’économie sociale et solidaire (ESS) tout en formant les futurs professionnels du digital. Cette année, 243 étudiants ont été impliqués dans 10 projets d’entrepreneurs en demande d’idées fraîches. Se déroulant sur 48 heures, les étudiants se sont immergés dans leurs projets afin de proposer les meilleures solutions pour ces chefs d’entreprises. Le hackathon a été le fruit d’un partenariat avec Act For Impact, un tiers-lieu et un label de la BNP Paribas dont le but est d’abriter et soutenir des incubateurs de start-up responsables dont proviennent les différents projets de l’événement.
« Pour l’édition 2019, nous avons décidé de faire un partenariat avec Act For Impact, car ce label avait tout à fait les mêmes valeurs que nous, à savoir : l’engagement citoyen, l’accessibilité, le développement durable ou encore l’économie solidaire », explique Guillaume Oudenot, le directeur pédagogique de l’établissement. « On a sélectionné 10 start-up qui nous correspondaient le plus, mais qui nécessitaient aussi l’ensemble des 5 spécialisations de l’école. »
Le partenariat semble être aussi une histoire de valeurs réciproques pour Emmanuelle Fenard, la directrice de Act For Impact. « Quand j’en ai entendu parlé du projet, j’ai sauté dessus pour deux raisons : la première c’est bien évidemment pour aider les « intrapreneurs » du label et la deuxième c’est la collaboration avec une école. Cela correspond à nos valeurs car nous sommes très actifs dans l’accompagnement des jeunes chez BNP Paribas. »
Les start-ups, les nouveaux acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire
Jury et fondatrice de la start-up à but social Tangata qui fait la promotion des loisirs accessibles aux personnes en situation de handicap, elle souligne une évolution des acteurs de l’ESS. « De plus en plus de personnes engagées sont des entrepreneurs qui possèdent des business modèles. Ils participent à cette logique d’économie circulaire. Cela ne veut pas dire que ces entreprises ne vont pas faire de profits, elles vont juste réinvestir intelligemment pour en faire profiter toutes les parties prenantes », conclut-elle.
C’est justement le cas de Chrystal Le Liegard, une jeune entrepreneuse de 27 ans qui a démissionné de son poste dans le recrutement pour pouvoir se « rapprocher de ses valeurs ». Son projet, Madu, est une application qui répertorie les bons plans locaux en voyage pour les personnes possédants des contraintes bien précises. Par exemple, trouver des restaurants pour les personnes qui ont des restrictions religieuses ou alimentaires, des loisirs pour les personnes qui ont des enfants en bas âge ou encore les concerts accessibles pour les personnes en mobilité réduite. Faisant partie de l’incubateur « Les Premières », elle développe son application dans le bâtiment d’Act For Impact.
Pour elle, le lien entre nouvelle économie, digital et éco-responsabilité va de soi. « Nous n’avons pas le choix de faire évoluer les choses, je suis plus une adepte de la carotte que du bâton. Je pense que si on veut changer les choses, il faut le faire de manière positive. C’est ce que j’essaie de faire avec Madu, une application qui donne envie de s’investir et qui permet d’agir », raconte-t-elle après sa présentation devant les participants au défi.

Cependant, l’entrepreneuse fait appel au savoir-faire technique et les idées « fraîches » des étudiants afin de développer son projet. Conscient de l’enjeu que représente le travail des jeunes de l’ECV, elle souligne : « Je n’ai pas d’attentes particulières mais j’aimerais qu’ils prennent autant de plaisir que moi à recevoir les informations. Même s’ils partent sur quelque chose de totalement différent de ce que j’avais imaginé, l’important sera de connaître les raisons qui ont motivé ces choix ».
Une formation professionnelle pour des projets solidaires
Pour les coachs, les intervenants de l’école présents auprès des étudiants durant le hackathon, cette expérience est totalement bénéfique pour les étudiants et leur carrière. « Quand les jeunes de ces générations postulent dans le monde de l’emploi, ils vont chercher de l’expérience et ils viennent chercher des entreprises qui partagent les mêmes valeurs. On voit à travers la RSE (ndlr : Loi sur la responsabilité sociale des entreprises) que la loi pousse les entreprises à être éco-responsable », explique Riyad Lounissi, qui est aussi directeur d’UX design chez CGI, une société de services-conseils en technologie de l’information. « C’est donc un sujet qui est pertinent et qui peut être un vrai levier pour ces étudiants », ajoute-t-il.
Bien que cette année le Hackathon était avant tout au service d’entreprises, la précédente édition était consacrée à un projet imaginé par des associations, Good Planet de Yann Arthus Bertrand et Elephants for Africa. Ces deux associations ont travaillé ensemble pour améliorer la cohabitation entre les éléphants et les agriculteurs au Botswana. Le défi des étudiants de l’ECV avait été de créer une application mobile afin d’alerter les agriculteurs de la proximité d’éléphants et éviter que ces derniers ne piétinent les cultures. Cette application, aujourd’hui en développement, permettra de limiter les tensions entre les animaux et les hommes et d’empêcher que ces pachydermes en voie de disparition se fassent exécuter par représailles.
Des étudiants impliqués personnellement
Au terme des 48h, c’est presque quarante projets qui ont été présentés. Cependant, seulement dix ont été retenus par le jury composé des fondateurs des startups, des coachs de l’ECV et des collaborateurs de BNP Paribas. « On en retire un bilan très positif », se réjouit Guillaume Oudenot, « les professionnels ont été agréablement surpris de la qualité des travaux des étudiants malgré le temps imparti ». Cependant, pour les participants ce n’était pas uniquement la compétition qui forgeait leur motivation.
« J’ai choisi le projet de Tangata parce que j’aimerais lancer une entreprise avec mon père qui cible aussi les personnes en situation de handicap », souligne Antoine Do Van Lanh, un étudiant de l’école. « J’aimerais les aider à travailler dans l’alimentaire avec des infrastructures adaptées », poursuit le jeune homme de 20 ans en expliquant avec ferveur son concept d’entreprise. « Mon objectif pour Tangata, c’est de proposer la solution la plus efficace pour eux, car ils n’ont pas beaucoup de budget et ils ont besoin d’être aidés. »
Cependant, certains professionnels avouent que des entreprises utilisent ce genre d’événements pour faire du greenwashing. En sponsorisant des projets verts, ces investisseurs refaçonnent de façon positive leur image. Toutefois, pour beaucoup d’entrepreneurs l’important était de toucher un maximum de personnes en difficulté et de mettre sur pied des projets les aidant vraiment, la source des fonds étant moins importante que la concrétisation réelle du projet.
Du côté des étudiants, cette compétition leur a permis de se sensibiliser à l’ESS de manière engageante, pratique et constructive. Elle a rassemblé futurs professionnels, investisseurs et entrepreneurs dans leurs expériences personnelles dans l’ESS afin de trouver des solutions tous ensemble.