Encore trop méconnue du grand public, l’Économie Sociale et Solidaire est pourtant présente partout dans le monde et les grandes institutions internationales se penchent sur les différents enjeux de cette nouvelle économie. Depuis une dizaine d’années, les Nations Unis et l’Union européenne adoptent de nouvelles réformes afin de créer un nouvel écosystème citoyen et solidaire dans le monde entier.
C’est en 2017 que le terme « Économie Sociale et Solidaire » (ESS) est employé pour la première fois dans un texte officiel des Nations Unies, où 167 pays se sont concertés afin de développer le nouveau paysage urbain de 2050. Avec le changement climatique, l’accroissement du nombre d’habitants dans les villes ou encore les crises humanitaires, les pays signataires ont réagi en se penchant sur des diverses solutions se voulant plus durables, plus éthiques et plus humanistes.
Pour l’ESS, les représentants gouvernementaux s’engagent à « s’attaquer aux difficultés auxquelles font face les entreprises locales, en appuyant les microentreprises, les petites et moyennes entreprises et les coopératives dans les chaînes de valeur, particulièrement les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui ont une activité dans les secteurs formel ou informel de l’économie». Ce premier pas est dû aux efforts de coordination de certains onusiens. En 2013, le Groupe de travail inter-agences des Nations Unis et le Groupe pilote international de l’ESS avait déjà travaillé sur ce sujet, dont certaines mesures ont été repris dans le texte officiel des Nations Unies.
Grâce à ce soutien, un événement international a pu mettre en œuvre de nouvelles idées pour aider les acteurs de l’ESS. En 2017, tous les réseaux mondiaux de ce secteur se sont engagés dans un manifeste commun pour porter un projet collaboratif. Cette réunion internationale s’est déroulée à Praia, au Cap Vert, durant le Forum mondial du Développement Économique Local. Le but était de mettre en avant une nouvelle institution : l’Économie et Finance Sociales et Solidaires (EFSS). Il s’agissait de créer de nouvelles méthodologies et des nouveaux outils pour améliorer le cadre de vie et l’économie de notre société au niveau locale, nationale, régionale et internationale. Cependant un point a été étudié avec minutie : le Développement Économique Local (DEL). Cet outil permet de renforcer d’une part le capital local, mais également le respect de l’être humain, le tout dans une cohésion territoriale.
À la suite de ce grand rassemblement planétaire, d’autres événements ont permis d’avancer dans le secteur de l’ESS. En juillet 2018, le High Level Political Forum à New York a réussi à inclure les Nations unies dans leurs objectifs de développement durable. Trois mois plus tard, le Forum Mondial de l’Économie Sociale et Solidaire de Bilbao a regroupé bons nombres d’acteurs de cette économie solidaire, dont des collectivités régionales et locales, pour faire le point des progrès effectués et des projets futurs à mettre en place.
Ces grands tablées cherchent à organiser au mieux le futur de notre société. Tous les points sont abordés : la culture, la politique, l’économie, le sociale et le financier. Même si cette nouvelle économie stagne à une échelle locale, voire régionale, le partage des savoirs-faire et la volonté de changer le monde tout en respectant notre planète, permettent de construire des micro-économies durables et humanistes dans le monde.
Comment se déroule l’ESS à l’international ?
Le terme est explicite, mais la pratique existe depuis de nombreuses années à l’étranger. Il est plus connu sous le nom d’« économie populaire ». Elle regroupe des personnes souvent de même village ou de même statut social afin de créer une économie circulaire dans leur localité. Ce sont souvent des personnes issues de milieu précaire où l’entraide et le respect mutuel sont primaires. Ces divers projets se répertorient en différentes structures : coopératives, mutuelles, associations ou mini-entreprise.
En Argentine, une maison d’édition a réussi un pari audacieux. Le petite entreprise, Eloisa Cartonera, regroupe des cartons abandonnés pour leur donner une seconde vie en créant des couvertures de livre faites à la main. L’ampleur a été telle que le concept à été repris dans le monde entier dans 19 pays, dont la France.
Dans certains cas, il arrive qu’une simple structure populaire soit aidée par des politiques publiques locales ou nationales, ainsi que par des soutiens financiers. C’est le cas de la Banco Palamas au Brésil. À ces débuts, elle était une banque communautaire pour les populations marginalisées ou extrêmement pauvres, afin d’accéder à des services bancaires. Depuis, elle a également mis en place une monnaie locale dans le but de créer un circuit court. Le phénomène a tellement pris de l’ampleur que la Banco Palamas détient actuellement 118 banques dans 20 régions brésiliennes.
Au niveau européen, l’ESS a du mal à prendre son envol
L’Europe s’est également engagé dans l’ESS au tout début des années 80 mais l’intérêt n’était pas majeur. Ce n’est qu’en 2015 que le sujet à été remis sur la table. Six pays, dont la France, l’Espagne, la Slovaquie, la Slovénie, le Luxembourg et l’Italie, ont participé à l’élaboration de la déclaration de Luxembourg. Le but était d’établir un chemin de fer pour la création d’un écosystème plus concret pour les sociétés de l’économie sociale et solidaire. Des réunions entre hauts responsables politiques en charge de l’ESS devaient se concerter régulièrement pour mettre en place de nouvelles prérogatives européennes.
Un an plus tard, un rapport du Groupe d’experts de la Commission sur l’entrepreneuriat social (GECES), signé à Bratislava, liste les différentes attentes des États-membres pour l’intégration de l’ESS dans leurs pays. Par exemple : l’inclusion sociale, réduire le taux de la pauvreté, renforcer l’économie locale etc. Mais l’année qui reste la plus décisive est 2017. C’est là que la déclaration de Madrid a été signée. De nouveaux pays s’ajoutent sur la liste : la Bulgarie, Chypre, la Grèce, Malte, le Portugal, la Suède et la Roumanie. Manque à l’appel, la Slovaquie et la France, qui n’ont pas participé à cette signature. Ce rassemblement appelle la Commission européenne à inscrire «un plan d’action pour l’ESS dans son programme de travail de 2018».
Le 5 décembre 2019, le Commissaire en charge de l’Emploi et des droits sociaux, Nicolas Schmit, a adressé une lettre aux membres du Comités des régions. La présidente de la Commission européeene, Von der Leyen souhaite mettre en place un plan d’action pour l’économie sociale. Actuellement, les emplois de l’ESS représente 10% du PIB européen. Le but de l’Union européenne est de renforcer et encourager ses entreprises locales.
L’intérêt de l’ESS aux yeux des hauts responsables européens a pris du temps à s’enclencher, mais commence à prendre de l’ampleur dans l’Union européenne. Le financement pour l’ESS commence progressivement à prendre de l’ampleur. « Il y a des programmes qui sont menés dans la présidence du Conseil européen soutenue et financé par la Commission et le Fond européen de développement régional (FEDER). En tout le FEDER cumule 350 milliards pour les fonds structurelles dont certains programmes de l’ESS font partis », explique Denis Stokkink, président du think and do thank européen, Pour la solidarité, basé en Belgique..
La France a adopté en 2014 un texte loi qui encourage l’économie sociale et solidaire mais l’intérêt semble être retombé depuis. D’autres pays européens ont intégré des textes de lois spécifiques propres à leurs nations concernant l’ESS, comme l’Espagne ou la Suède.
Certains font aussi bonne figure. La Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie affichent un intérêts majeurs pour l’ESS dans leur économie. Il faut rappeler que la contribution de l’ESS au niveau européen représente plus d’un quart des entreprises européennes qui font parties de ce secteur, selon l’étude du comité économique et social européen.
Ces initiatives internationales permettent de redynamiser les territoires exclus, afin de donner un second souffle à des populations vivant dans la précarité. Les engagements des grandes institutions mondiales donnent un espoir pour l’économie participative et locale.