Liberté, Égalité, Maternité

(Crédits : ©creativecommons)

Le baby-blues et la dépression maternelle sont des sujets tabous en France. Cette omerta empêche de créer de vraies solutions pour les mères. Pourtant, les services publics ont mis en place plusieurs accompagnements encore trop méconnus.

Phénomène encore tabou en France, le baby-blues touche pourtant une femme sur deux. Sorte de déprime post-grossesse, « elle concorde généralement avec la sortie de la maternité pour la mère », explique Céline Masmonteil, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité à Paris. C’est un état normal pour chaque femme qui vient de passer neuf mois à porter son bébé et qui se retrouve enfin avec l’enfant sans savoir vraiment comment procéder. Elle est alors chamboulée par beaucoup d’émotions contradictoires. Le baby-blues reste un état courant et dure une petite semaine en moyenne. Il demande de l’accompagnement et du repos. « C’est quand ce dernier persiste plus de deux semaines qu’il faut s’inquiéter, car là, nous avons souvent à faire à une dépression post-partum », souligne Céline Masmonteil.

Psychologiquement la dépression post-partum (ou dépression maternelle) est une situation beaucoup plus sérieuse que le baby-blues. « Ce sont des sentiments très proches de la dépression. Si on se sent triste, on n’a plus d’énergie, on a le sentiment de ne pas y arriver, on se sent nulle, incapable, très fatiguée. Là, on va parler de dépression maternelle », ajoute la psychologue. La plupart du temps, les mères touchées par cette maladie n’osent pas en parler. Ce sujet est tabou en France car ces mamans sont alors considérées comme de « mauvaise mère. Alors que c’est faux », appuie Céline Masmonteil. Effectivement cette dépression du post-partum n’implique pas une mauvaise qualité de vie pour l’enfant. C’est de la mère qu’il s’agit ici, même si des situations dangereuses arrivent, elles restent exceptionnelles.

L’association Maman Blues s’occupe de lever le voile sur cette maladie et d’accompagner les femmes atteintes de cette dépression. Selon Élise Marcende, présidente de l’association, « officiellement 50 à 80% des femmes sont touchées par le baby blues. La dépression du post-partum, quant à elle, représente 10 à 15% des femmes, mais officieusement ce chiffre est beaucoup plus élevé. » Le plus grand ennemi de ces femmes touchées par la dépression est la culpabilité comme le met en lumière Céline Masmonteil : « Tout le monde leur dit qu’elles devraient être heureuses, qu’elles ont eu un bébé, elles sont en congé maternité, elles ont le temps, elles n’ont que ça à faire, etc… Toutes les caricatures que l’on peut entendre sur l’instinct maternel. » Des poncifs répétés à tels point qu’ils finissent par faire énormément de mal, surtout lorsque tout ne se passe pas comme prévu. « C’est extrêmement déstabilisant et culpabilisant. Ces mères ont l’impression que c’est elles qui n’y arrivent pas, que cela n’est pas normal, donc elles n’osent plus en parler. » Dans cet enfermement vicieux, il existe des solutions qui ont été mises en place. Les thérapies mère/enfant sont un bon moyen de rassurer et redonner confiance à la maman même si cela reste « difficile d’en trouver », regrette Élise Marcende.

Un accompagnement public

Depuis 1945, les femmes enceintes et les jeunes mamans peuvent compter sur les centres de Protection maternelle et infantile (PMI). « Ce sont des services de santé publique où l’on peut se rendre pendant la grossesse et ce jusqu’aux 6 ans de l’enfant pour recevoir conseils et soins médicaux », comme il est expliqué sur le site Parents.fr. Autre aide proposée par l’État, l’accompagnement des parents par des techniciens d’interventions sociales et familiales (TISF).

Reconnus par le décret du 15 février 1974, ils ont pour mission d’intervenir au domicile des familles de manière préventives, éducatives et réparatrice afin de favoriser l’autonomie du couple. Pour Emilie Fourey, responsable des TISF pour l’Association d’aide familiale populaire (AAFP/CSF) du Calvados et elle-même TISF pendant dix ans : « l’idée est de soutenir la famille au quotidien. Le 8 janvier 2016, la Caisse nationale des allocations familiales (CAF) et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), ont signé une convention nationale. Celle-ci a permis d’élargir l’intervention à domicile des techniciens d’interventions sociale et familiale (TISF) auprès des familles après une grossesse. La signature de cet acte a favorisé le rapprochement entre les branches “maladie” et “famille”, dans le cadre du programme PRADO maternité

« Il s’agit du Programme d’accompagnement du retour à domicile pour les sorties précoces de maternité qui se met en place le lendemain de l’accouchement », décrit Géraldine Marie, directrice de l’AAFP/CSF du Calvados. Sur ce territoire, c’est un accord entre la CAF et son association qui permet à un conseiller d’assurance maladie « d’enclencher un processus obligatoire de sage-femme, et de proposer l’intervention d’une TISF pour aider les mamans jusqu’au sixième mois de l’enfant. » Après l’accouchement, l’équipe médicale décide de la sortie de la maman et peut mettre en place ce programme avec l’intervention de TISF en complément de la sage-femme. Toutefois, la directrice de l’association le rappel, « toute personne allocataire ayant des droits auprès de la CAF peut faire une demande d’accompagnement d’une TISF. Le coût est calculé sur le quotient familial des allocataires. » Dans la majorité des cas, les TISF interviennent sur un forfait de 20h étalonner sur cinq semaines, à raison de 2h hebdomadaire au domicile des mamans. Le prix de ce forfait varie entre 0.26 centimes à 11€ de l’heure.

Pour bien comprendre, lorsque l’aide est apportée par la CAF, c’est un accompagnement logistique qui se met en place : « Par exemple, on va aider la maman à préparer les repas, à s’occuper de la maison. On fait en sorte que les parents aient du temps pour eux », explique Emilie Fourey. Pour Jennifer, jeune mère de 31 ans, « lorsque ma fille est arrivée, j’ai eu recours à l’intervention d’une TISF, et ça m’a vraiment permis de souffler, de prendre confiance en moi, surtout dans mon rôle de maman. » C’est aussi le cas de Sophie*, qui revient sur l’accompagnement dont elle a profité après la naissance de ses deux jumeaux : «  Elle venait nous aider pour les tâches ménagères, c’était un peu une seconde belle-maman. »

Si l’aide apportée par la TISF s’oriente surtout vers la relation mère-bébé, le père est également intégré au processus d’accompagnement. « Mon mari a rencontré la TISF. Il lui a posé plusieurs questions notamment sur le coupage des ongles, parce qu’il était stressé et ne savait pas trop comment s’y prendre. Elle lui a montré et aujourd’hui, il reproduit les gestes, tout est simple, grâce à la TISF il a pris confiance en lui avec notre bébé », rapporte Jennifer. Une aide mise à disposition des familles, mais qui reste encore trop méconnu.

L’exemple suédois

L’aide proposée aux familles au travers des TISF met en lumière une problématique qui fait débat depuis 2002 en France. Cette année-là, le « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » est intégré au Code du Travail par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille. Communément appelé congé paternité, ce droit donne la possibilité au père de bénéficier de onze jours calendaires de congés après la naissance et dix-huit si la mère accouche de plusieurs enfants. Considérés comme trop courts, mais aussi trop contraignants, ils ne peuvent être pris qu’après les trois jours de congé de naissance. Mais ces onze jours ne sont utilisables que dans les quatre mois suivant l’accouchement, sans possibilité d’être fragmentés.

Un système de congés qui ne fait pas l’unanimité. Pour preuve, en 2016, seulement deux tiers des hommes ont utilisé leur droit au congé paternité. En cause, le manque de liberté donné par les entreprises, les problématiques culturelles, mais aussi l’indemnisation de l’État qui ne s’élève qu’à 84 euros maximum par jour. Pour obtenir cette allocation, la loi est stricte puisqu’il faut « avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois mois précédant le début du congé ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 10 180,45 € au cours des 6 derniers mois précédant le début du congé. »

Alors encore présidente du MEDEF et parmi les nombreuses personnes critiques contre le système actuel du congé post-natal, Laurence Parisot expliquait ainsi en 2011 que « le congé maternité contribue à créer des inégalités à l’intérieur du couple : tâches ménagères, éducation des enfants, etc… et freine trop souvent l’évolution de la carrière des femmes. » À l’instar de très nombreuses personnalités artistiques, politiques ou engagées, qui ont signé une pétition très médiatisée en 2017, elle est favorable à une extension de ce droit pour les pères. 

Cette pétition a alors mis en avant les congés paternités proposés dans d’autres pays européens, notamment dans les pays scandinaves. Ainsi, en Suède les deux parents se partagent équitablement les 480 jours de congé parental proposés par l’État (plus d’un an et trois mois). Une parité totale à l’image de ce pays où l’égalité homme/femme est prônée. De plus, les indemnités sont bien plus conséquentes et faciles à obtenir puisqu’elles représentent 80% du salaire. Une aubaine pour les parents qui peuvent ainsi profiter de leur enfant beaucoup plus longtemps, l’accompagner dans ses premières découvertes, mais aussi mieux se répartir les tâches du quotidien. Ainsi, la mère n’est pas la charge seule de l’éducation, du ménage et de la cuisine. Un triptyque conservateur qui a encore largement sa place dans la société française et qui oblige la CAF à proposer des solutions telles que les TISF pour soulager la mère et apaiser la famille.

Article réalisé par Alexis Rosset, Alan Bernigaud et Baptiste Artru

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