Le gouvernement a voté mardi 7 octobre 2020, une dérogation autorisant pour les 3 prochaines années l’utilisation des néonicotinoïdes dans les cultures de betterave sucrière atteints de jaunisse. En effet, la production de cette année serait mise en danger par la maladie, fragilisant profondément un secteur portant prêt de 45 000 emplois en France.
Interdits depuis 2018, les néonicotinoïdes, un insecticide dangereux notamment pour les abeilles va être réutilisé par certains agriculteurs, à condition que leur production soit atteinte de jaunisse. Ce texte a été porté par le gouvernement, bien que le ministre de l’agriculture Julien Denormandie ait admis qu’il s’agissait d’un « vote difficile ». 313 députés se sont montrés en faveur du projet de loi, contre 158 opposants. Le texte en lui-même ne revient pas sur la décision d’interdire le produit, mais bien d’en autoriser l’utilisation dans certaines circonstances.
Avant la loi de 2016, 98% des cultures de betteraves sucrières étaient enrobées de néonicotinoïdes. Faute d’alternative remplaçant les insecticides, le gouvernement ne voit pas d’autre solution que d’autoriser de nouveau le produit en France. Cependant les pulvérisations de néonicotinoïdes restent interdites. Seules les semences enrobées sont autorisées, afin de limiter la diffusion de l’insecticide dans l’air. Si les néonicotinoïdes étaient restés interdits, alors les rendements estimés diminueraient de moitié, et fragiliserait brutalement les 45 000 emplois créés en usine par la production de betterave sucrière.
Ce nouveau texte dénote d’un bilan écologique en demi-teinte pour le gouvernement Castex et rappelle l’échec d’une des priorités de la campagne du président : l’interdiction du glyphosate. L’interdiction de l’herbicide connu pour provoquer entre autres des cancers chez les agriculteurs exposés, était une priorité d’Emmanuel Macron en 2017, avant qu’il revienne en 2019 sur cette promesse. « Ce n’est pas faisable, et ça tuerait notre agriculture. Et même en 3 ans on ne fera pas 100%, on n’y arrivera pas », à ajouté le président.
D’ailleurs la décision d’autoriser de nouveau les néonicotinoïdes montre bien que la question écologique n’intéresse que très peu le gouvernement, encore une fois plus concerné par la sauvegarde économique que par la sauvegarde de la planète. En effet cette réforme en 2016 avait été soutenue par la secrétaire d’état à la biodiversité Barbara Pompili, et a été remplacée par le texte de la ministre de la transition écologique qui n’est autre que cette même Barbara Pompili.
Mais cette loi dérange jusque dans les rangs de LREM, voire met mal à l’aise la majorité, qui s’est aligné aux côtés des députés LR, favorables à une agriculture plus pragmatique que purement écologique, préférant la création d’emplois. Cependant la majorité elle-même est divisée, sur les 243 députés LREM, seuls 175 d’entre eux ont voté pour l’adoption du texte de loi mardi, là où 32 se sont opposés au projet et 36 se sont abstenus. Les écologistes et opposants au projet de loi rappellent que les usines de transformation de betteraves n’ont pas attendu que le puceron Myzus persicae provoque la jaunisse pour fermer leurs portes.
En effet la production de betteraves sucrières était déjà au plus mal, en partie à cause de l’alignement des exportations de sucre européen et l’alignement de son prix avec les cours mondiaux. Des cours inondés par la canne à sucre brésilienne et thaïlandaise depuis 3 ans. Les industriels de la betterave sucrière quant à eux, ont choisi de moins investir dans la betterave, quitte à privilégier d’autres types de culture, plus rentables pour les producteurs. La députée Génération écologie des Deux-Sèvres Delphine Batho s’est dite prête à soutenir un plan de transformation de la filière plutôt qu’une nouvelle autorisation des néonicotinoïdes en France.
Pour sa part, le consensus scientifique tend à dire que le produit est extrêmement polluant et surtout très dangereux pour les abeilles. L’exposition d’une abeille à un millième de gramme d’un néonicotinoïdes pourrait empêcher l’insecte de retrouver la direction de sa ruche, la mettant en danger ainsi que sa colonie. Bien que les agriculteurs ayant recours aux néonicotinoïdes arguent que la récolte se fait avant la floraison, et par conséquent avant que les betteraves n’attirent les abeilles, la science a prouvé que le produit restait dans le sol sur plusieurs années et pouvait contaminer les cultures suivantes. Lundi, le ministre Julien Denormandie s’était dit en accord avec l’ensemble de ces constats scientifiques. « Nous sommes tous favorables à l’arrêt des néonicotinoïdes, nous sommes tous favorables à la transition agroécologique », avait-t-il déclaré, avant de compléter : « Cela ne peut pas être au prix de tuer une filière française. »