Comment rendre l’or brun équitable ?

(Crédit : John Loo / CC / Flickr) Une corbeille de fèves de cacao.

Selon le Syndicat du Chocolat, l’Europe représente à elle seule 45% de la consommation mondiale de chocolat. En France, 333 029 tonnes de chocolat ont été consommées en 2018. Les fêtes de fin d’année, pic des ventes annuelles, constituaient 8,5% des recettes de chocolat en 2017. En Côte d’Ivoire, les conséquences de cette importante consommation sont alarmantes pour les artisans du cacao. Alors que Noël approche à grands pas, quelles sont les conditions de travail des producteurs africains et comment les améliorer ?

Alors que la fédération des fabricants suisses de chocolat, Chocosuisse, se débat contre la crise du COVID-19, d’autres font le bilan. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao depuis sa déclaration d’indépendance en 1960. Malgré l’essor provoqué par ce marché dans l’économie du pays (il constitue 14% du PIB et finance 10% du budget de l’Etat selon le Petit Journal, une publication locale), la Côte d’Ivoire a longtemps cherché des arguments pour faire entendre les revendications de ses paysans du cacao. En 1962 déjà, la Copal, l’alliance des pays producteurs de cacao, était créée dans cet objectif sans parvenir à ses fins. L’embargo sur les stocks de cacao à l’initiative de l’ancien président Félix Houphouët-Boigny en 1988, qui visait à figer la production, fut également un échec.

La situation des artisans du cacaoyer en Côte d’Ivoire, et dans toute l’Afrique de l’Ouest plus généralement qui produit 75% du cacao mondial, est toujours irrégulière. Selon Le Monde, la part perçue par les producteurs dans la valeur globale du secteur n’est que de 5 à 10%. Ce sont les entreprises agro-alimentaires occidentales, spécialisées dans la transformation en confiseries et gâteaux, qui récoltent la majorité des gains. A contrario, un producteur de cacao sur deux vit sous le seuil de pauvreté, à raison de 757 francs CFA par jour, soit environ un euro.

(Crédit : Jan Hamlet / CC / Flickr) Une fève de cacao ouverte.

Le commerce équitable à la rescousse des agriculteurs

Dans ce contexte délicat, de nouvelles alternatives sont envisagées. En 2018, le réseau Fairtarde, organisation internationale visant à assurer des revenus corrects aux producteurs locaux, a lancé un partenariat avec la coopérative agricole ivoirienne Cayat, installée dans la région d’Adzopé au sud-est du pays. Ce partenariat vise à faire respecter plusieurs prérogatives nécessaires à l’obtention d’une prime de 305 000 euros pour la coopérative, versée par les chocolatiers et dont 25% est redistribué aux locaux.

Tout d’abord, pour lutter contre le travail des enfants, tragique conséquence de la pauvreté : 1,56 millions d’enfants travaillent dans le cacao en Afrique de l’Ouest. La prime de la coopérative a déjà concrétisé plusieurs projets, une école notamment, à Yakassé-Attobrou, au sud de la Côte d’Ivoire. L’autre paramètre pris en compte est environnemental. Pour répondre à la gargantuesque demande, les forêts de Côte d’Ivoire et du Ghana sont rasées pour être remplacées par des cacaoyers. Le septième rapport de la Banque Mondiale sur la situation économique en Côte d’Ivoire stipule que la surface forestière du pays est passée de 16 millions d’hectares il y a 60 ans à 2 millions en 2019, soit moins d’un dixième du pays.

De plus, la coopérative française Éthiquable, déjà présente en Amérique du Sud, notamment en Équateur, s’est impliquée avec les fermiers locaux du village de M’Brimbo, pour assurer la qualité des fèves de cacao. C’est ainsi que la SCEB, la Société Coopérative Équitable du Bandama, est créée en 2008 sous l’impulsion de l’ONG ivoirienne INADES et du partenariat avec Éthiquable. Elle est exclusivement composée d’agriculteurs locaux et son rôle est d’assurer un suivi rigoureux des pratiques de production afin qu’elles s’inscrivent dans une démarche environnementale et de veiller à une rémunération plus décente des fermiers membres. Par exemple, débarassée des pesticides, la fermentation du cacao est désormais contrôlée et le recyclage des déchets est pris en charge par la coopérative.

La situation profite à tous, dans la mesure où les agriculteurs vendent leur cacao à un prix plus élevé que celui initialement fixé par les multinationales, car il n’y a plus d’intermédiaires. Lorsque le partenariat commence en 2008, le prix du cacao est à 500 francs CFA le kilo. Aujourd’hui, la SCEB vend sa denrée plus du double de cette somme, à 1350 francs CFA au kilo. Ce prix permet aux producteurs locaux de scolariser leurs enfants et de favoriser la mise en place de projets d’infrastructures et de services au sein de la communauté, selon Marc Tanouh, gérant et coordinateur à la SCEB. La croissance de la société est significative. Ils étaient 34 en 2010, ils sont 217 en 2020. Un avenir prospère pour ce phénomène encore trop local.

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