Lauréat de la compétition d’entrepreneuriat social étudiant, Iglou est un projet d’abris mobiles et recyclables pour loger, dans l’urgence, les sans-abri dans la rue. Après un premier test réussi à Bordeaux, 10 prototypes d’Iglou seront bientôt déployés à Paris.
Geoffroy de Reynal, vainqueur de la Social Cup 2018, a le succès modeste et remercie les chutes de neige qui ont sensibilisé le public le jour de la finale. Son invention, l’Iglou, permet aux sans-abri d’être protégés du froid. L’objet, fabriqué en polyéthylène, a été pensé par cet ingénieur de 26 ans, spécialisé dans les énergies renouvelables.
Après avoir travaillé pendant plusieurs années à l’étranger sur des chantiers éoliens et solaires, l’ingénieur s’est sensibilisé à la cause des sans-abri. « Parmi les pays que j’ai visité, je suis allé au Monténégro où il n’y avait pas du tout de personne à la rue et en rentrant j’ai eu cette idée », explique Geoffroy de Reynal. Fort de son parcours, il réalise qu’il peut proposer une solution palliative à la condition des personnes sans logement. « J‘ai eu la chance de pouvoir faire des études et d’apprendre les bases de la thermique dans mon école d’ingénieur », explique-t-il.
Un projet innovant
La situation en France l’incite à se lancer rapidement. 50% des sans-abri qui appellent le 115 – la plateforme téléphonique du Samu social destinée à répondre aux demandes d’hébergement d’urgence – n’ont pas de place. Les centres d’hébergement et les gymnases sont saturés. « À Bordeaux, ce sont 300 personnes par jour qui malgré leur demande ne trouvent pas de place dans les centres d’hébergement », souligne le concepteur.
Geoffroy de Reynal conçoit très vite des prototypes d’Iglou dans son appartement bordelais. Destiné aux SDF et conçu à partir d’une mousse de polyéthylène, protégeant du froid mais aussi du feu, l’Iglou permet de conserver la chaleur émise par le corps. « On peut faire monter la température de 15 degrés par rapport à l’extérieur », explique-t-il. Si l’Iglou abrite deux personnes, la température s’élève jusqu’à 20 degrés. Un système d’aération est intégré, ainsi qu’une petite lampe, alimentée par de l’énergie solaire.
Geoffroy de Reynal a pris contact avec des associations pour mieux comprendre les besoins de cette population. C’est avec l’antenne locale de Médecins du monde qu’il mène la première expérimentation à Bordeaux et finalise plusieurs Iglou, « testés en chambre froide pendant l’été. » L’association accompagne le projet au travers d’une mise en lien avec les bénéficiaires. Un premier lot de 9 prototypes a été produit en novembre 2017 et distribué dans l’agglomération bordelaise pour obtenir des retours des utilisateurs. Utilisateurs qui occupent un immeuble vide et sans électricité de la capitale aquitaine. « Les retours sont très positifs et nous cherchons maintenant à améliorer les deux points les plus limitants : la transportabilité et la modularité », raconte l’inventeur.
Plus de 18 000 euros récoltés et une Social Cup remportée
En juillet 2017, Geoffroy de Reynal entend parler de la Social Cup en travaillant sur son projet dans un espace de coworking social et solidaire, La Rûche, à Bordeaux. Organisée par La Banque Postale, KissKissBankBank et MakeSense, la Social Cup est la première coupe de France de l’entrepreneuriat social étudiant. « J’ai trouvé le concept génial, plein de jeunes ont de très bonnes idées sans forcément avoir de visibilité ou les moyens de les mettre en œuvre.» L’ingénieur appréhende alors ce concours comme un tremplin, avec pour seul objectif d’intégrer l’incubateur du Sense Cube, une récompense proposée par Make Sense. « C’est une énorme chance, l’incubation offre un accompagnement incroyable, il fallait absolument que je tente le coup.»
Avant même de savoir qu’il serait le lauréat bordelais, Geoffroy de Reynal crée une campagne de financement participatif sur Ulule : « Les gens sont plus sensibilisés en hiver donc je n’avais pas le choix, il fallait absolument que j’avance, et que j’avance avant les résultats de la Social Cup ». Preuve de son succès, 503 contributeurs ont permis à de récolter près de 18 000 euros sur Ulule dépassant de 360 % son objectif initial. Pour décrocher la victoire lors de la « Battle finale » au Sense Cube de Paris le 7 février 2018, il a pu compter sur le soutien de ses proches, mais aussi d’inconnus, touchés par la misère des sans domicile fixe et qui, comme lui, « passaient souvent à côté de personnes dans le froid sans savoir comment les aider ».
Avec 83 votes contre 38 pour son concurrent, Möbius, – un projet écologique visant à réduire les déchets et surtout le gaspillage lié aux bâtiments – Geoffroy de Reynal reste modeste quant à sa victoire. Pour lui, les conditions climatiques et le temps neigeux le jour de la finale ont sensibilisé davantage le public à la condition de vie des sans-abri.
Une solution temporaire à un problème urgent
Son plan désormais : démarcher les préfectures pour obtenir l’autorisation d’installer les Iglou dans l’espace public. « J’ai contacté plusieurs préfectures qui sont ok dans la forme », souligne Geoffroy de Reynal. Sur le terrain, une dizaine d’autres prototypes doivent être déployés très prochainement en région parisienne, notamment dans le Bois de Vincennes et le Bois de Boulogne, en collaboration avec l’association Action froid. « C’est un grand enjeu, indique le concepteur, c’est dans la capitale que les problèmes de logement se font le plus sentir. »
Geoffroy de Reynal travaille actuellement sur une solution pour transporter facilement son Iglou. Il espère à terme constituer une équipe pour développer le projet à ses côtés et lancer la fabrication en série de ses abris pour faire baisser les coûts de production.
Le jeune entrepreneur social insiste sur l’aspect temporaire de son projet : « Ce n’est pas une solution pérenne. Le but est que plus personne ne me commande d’Iglou d’ici trois ans ». Grâce à la distribution de ces Iglou auprès des préfectures, Geoffroy de Reynal entend aider les sans-abri à se protéger contre les intempéries et à préserver leur intimité.
En attendant qu’il n’y ait « plus personne dans les rues en France », Geoffroy de Reynal espère, d’ici l’année prochaine, qu’au moins « ils dorment au chaud ». « À partir de là, une fois réglée la problématique des gens qui dorment dehors mais au chaud, on pourra penser à des solutions plus pérennes pour accompagner les sans-abri.» En 2018, on estime qu’en France, entre 15 000 et 30 000 personnes dorment dans la rue, « ce sont autant d’abris à fournir dans un premier temps, avant de chercher des solutions plus pérennes ».