Selon une étude de l’Insee, l’ESS représente près d’un emploi sur six en Bretagne, ce qui en fait ainsi la région de France la plus “solidaire et sociale” en 2018. Il existe plusieurs raisons, dont une forte histoire religieuse à ce développement significatif des structures ESS en Bretagne.
L’Insee a dévoilé dans une étude parue le 8 février 2018 que la Bretagne était la région de France dans laquelle l’ESS avait créé le plus d’emplois : « Au cours de l’année 2014, 163 000 personnes ont travaillé principalement dans l’ESS en Bretagne en tant que salariés », ce qui représente 14,3% de l’emploi salarié et fait donc de la région la plus impliquée dans l’ESS en France. Ce développement important des structures ESS en Bretagne a plusieurs explications.
Une histoire favorable au développement de l’ESS
La Bretagne a été pendant longtemps une région économiquement faible, avant de devenir aujourd’hui la moins pauvre de France. Cette pauvreté a déclenché une forte solidarité entre les Bretons bénéfique au développement de l’ESS dans la région. Pour David Izon, chargé de mission à la Cress de Bretagne : “ Les gens ont eu besoin de s’entraider, de mettre en place des systèmes coopératifs et c’est resté ancré dans les mentalités”. De cet esprit découle “une période de décollage économique agricole et agro-alimentaire, tirée en grande partie par le mouvement coopératif en Bretagne mais la société a conservé un “esprit” qui reste solidaire dans ses fondamentaux” explique Anne Patault, vice-présidente de la région chargée de l’égalité, de l’innovation sociale et de la vie associative. Ce sont de ces structures là qu’ont émergé tous les formes de coopératives agricoles et d’autres formes de services et d’entraide à la population, même les services bancaires ou les mutuelles de santé.
Dans cette pauvreté, la Bretagne a toujours souhaité rester une société égalitaire et c’est dans ces systèmes solidaires que “les organisations religieuses ont eu un rôle à jouer” pour David Ison. Anne Patault précise qu’il y avait en Bretagne, “un catholicisme vivant mais aussi des mouvements laïcs toniques.”. Elle explique ensuite que les “lieux d’accueil” ont été implantés de façon précoce et importante et qu’ils étaient “souvent gérés par des congrégations qui ont été les précurseurs d’un tissu socio-éducatif et socio-médical important”.
Selon l’Insee, la vitalité de l’ESS en Bretagne résulte en premier lieu de l’enseignement : sans lui, « le poids de l’ESS dans l’emploi serait de l’ordre de 13,1%, soit 1,2 point de moins que son niveau actuel. » Ce qui s’explique par la très forte implantation d’établissements scolaires privés. Ces établissements catholiques sont directement reliés au diocèse. On lit dans l’étude de l’Insee que « les organismes de gestion des établissements catholiques sont en effet sous statut associatif ».
Si l’histoire de la Bretagne a été décisive pour la place de l’ESS, la politique de la région vise aussi à favoriser cette tendance.
Une politique volontariste
C’est en Bretagne qu’a été créée la première Cress – “soutien fondamental et actif pour les réseaux de l’ESS” selon Anne Patault. Suite à la loi Voynet, un pôle de l’ESS a été instauré dans chaque pays. “Ces pôles fédèrent les acteurs de l’ESS, soutiennent l’entreprenariat ESS, les actions collectives sur les territoires et promeuvent le modèle auprès des jeunes particulièrement” précise la vice présidente. Plusieurs structures aident aussi les réseaux de l’ESS, comme l’USCOO par exemple. Il y a également 9 coopératives d’Activités et d’Emploi qui permettent à un porteur de projet de tester son activité en toute sécurité.
Anne Patault explique également que “depuis 2 ans, 4 incubateurs (nommés TAGs) issu d’un appel d’offre national et soutenu par la Région et le Feder (mais aussi certains EPCI et métropoles) qui travaillent avec les Pôles et constituent ainsi un maillage qui accompagne les entrepreneurs de l’idée au projet et du projet à la réalisation.”
L’ESS entraîne l’ESS
L’histoire de l’ESS en Bretagne est très structurante pour tout ce qui émerge. Pour David Ison, l’ESS en Bretagne c’est “une histoire de transmissions, d’anciens dirigeants, d’anciens patrons, militants ou bénévoles envers leurs enfants qui portent alors aussi ces valeurs et ces façons de faire.” L’ESS en Bretagne est donc un continuum de formes collectives qui se nourrissent les unes les autres, qui traversent des générations et des familles, elles se transmettent. Les sociétaires et bénévoles circulent entre les associations. “Un dirigeant du crédit agricole peut aussi être administrateur d’une mutuelle, adhérent d’une association d’insertion, ça fait réseau”, nous explique le chargé de mission de la Cress. L’étude de l’Insee montre en effet que la plupart des emplois dans l’ESS en Bretagne sont à temps partiel ce qui permet un cumul des contrats: « C’est particulièrement vrai pour les moins de 30 ans qui, moins souvent en CDI, cumulent des contrats pour compléter leurs revenus », explique l’étude.
En effet, l’ESS n’est pas un univers cloisonné mais justement fondé sur les échanges. David Ison revient sur la création des circuits courts dans l’agroalimentaire en Bretagne: «Si vous prenez le champ agricole, la Bretagne a été pionnière, les circuits courts se sont développés fortement. C’est aussi venu en réaction à un système agroalimentaire qui était coopératif.»
Les structures peuvent s’opposer et se nourrir les unes et les autres. Ce qui fait de l’ESS non pas un champ homogène mais des formes collectives. Des structures peuvent émerger en réaction à d’autres. Le mode coopératif dominant peut générer des évolutions et alternatives dans l’ESS en tirant profit de ses impasses lors les circuits courts par exemple. La chargé de mission de la Cress prend pour exemple les maisons de retraite “On peut retrouver les mêmes choses dans le champ de l’aide aux personnes âgées. Le système des maisons de retraite avec les impasses qu’on lui connait génère des innovations sociales avec des formes collectives d’habitat pour les personnes âgées.” Si l’ESS est si présente en Bretagne, c’est donc bien grâce à différents facteurs qui s’ajoutent et se complètent.