Le mode de consommation zéro-déchet est en pleine expansion. L’offre de vrac se développe et rencontre un public toujours plus demandeur. Reste encore à lever des freins : des failles persistent chez les distributeurs comme dans la conscience des consommateurs.
« Le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas ». Voilà ce qu’affirmait Béa Johnson, auteure du livre Zéro déchet, lors d’un colloque organisé en septembre 2017. Cette occurrence pose clairement la question du sans emballage et des courses en vrac : un mode de consommation récent qui permet de répondre aux préoccupations et aux convictions des citoyens concernés. C’est également une manière efficace de faire face aux problèmes posés par la gestion des quantités de déchets issus de la grande distribution conventionnelle.
D’après une étude fournie par le site mescoursesenvrac.com, « la surproduction, liée à la surconsommation, nous pousse à générer près de 13,8 tonnes de déchets par an, par habitant – en comptant les déchets issus du monde professionnel ». D’après cette même étude, en une année chez un habitant, 354 kg de déchets sont générés, soit deux fois plus qu’en 1960 (175Kg). En somme : une progression constante dans le temps de la production de déchets.
Le milieu de la distribution alimentaire dispose aujourd’hui de solutions pour répondre aux problèmes environnementaux, causés par l’omniprésence des déchets ; et donc par conséquent, consommer autrement.
Une grande diversité de produits
Faire ses courses en vrac, ou sans emballage, consiste à venir sur son lieu d’achat avec ses propres contenants : des sacs, des pots ou encore des boîtes, réutilisables. Des magasins spécialisés, où ce mode de consommation est possible, proposent un vaste choix de produits.
Il existe d’abord, l’épicerie sucrée avec les gâteaux, les céréales, les confiseries ou encore le thé ou le café. Ensuite viennent les produits salés, comme les oléagineux (noix de cajou, amandes grillées, etc.), les légumineuses (lentilles, pois chiches ou haricots), le riz, les pâtes ou encore l’huile et les gâteaux apéritifs. Dans certains magasins, on peut même trouver des produits d’entretien (lessive, liquide vaisselle, etc.) et des produits d’hygiène du corps (gels douche, savons, cosmétiques, etc.).
Les produits frais comme la viande, le fromage ou le poisson se font plus rares dans les boutiques dédiées au sans emballage. En effet, ces produits peuvent déjà être achetés en vrac dans les boucheries, les poissonneries ou les fromageries. Il en est de même pour les fruits et légumes. L’objectif étant de proposer une nouvelle offre, sur des produits qu’on ne trouve pas facilement sans emballage dans la grande distribution.
Toutefois, des limites sont encore bien réelles. Il est difficile de trouver du sopalin ou des mouchoirs en vrac aujourd’hui par exemple. Mais au vu de la dynamique actuelle, l’offre va continuer de s’étoffer avec le temps, tant en diversité qu’en disponibilité dans les magasins.
Une offre encore faible mais bien existante
Le premier magasin 100% zéro-déchet en France, La Recharge, est apparu à Bordeaux en 2014. Son ouverture a suscité une émulsion et aujourd’hui il existe près de 200 établissements similaires dans tous le pays..
La chaîne de magasins, Day by Day, en fait partie : Parmi les 36 magasins français, 3 d’entre-eux sont situés à Paris. Pour le gérant d’une de ces boutiques, Damien Di Cicco, « notre rôle c’est d’être un commerce de proximité. Nous proposons quatre types de produits en vrac : l’épicerie salée, l’épicerie sucrée, les produits d’entretien et l’hygiène corporelle”. Sur le site internet de la chaîne, on peut discuter avec un employé du magasin via forum. En matière de prix, les biens se veulent abordables : « nos produits sont 5 à 30% moins chers que les produits de la distribution classique (ceux qui sont emballés NDLR) », ajoute-t-il.
Le phénomène du vrac prend un tel ampleur que certaines grandes chaînes de distributions commencent à proposer ce service en rayon. Les magasins bio en sont les précurseurs. “Nous essayons de faire le moins de déchets possibles. Nous souhaitons favoriser les produits sans emballage. Quand un produit est disponible en vrac dans notre magasin, nous ne le proposons pas sous forme emballée dans les rayons pour ne pas faire de doublon(s). Le vrac est le quatrième rayon du magasin a nous apporter le meilleur chiffre d’affaires. Plus le magasin sera grand, plus il sera facile de proposer ce type de produits», précise Vicente Rondan, responsable adjoint au sein du Biocoop de République (75).
En plus de cette diversification du vrac en magasin, les consommateurs ont désormais à disposition un nouvel outil : les localisateurs de vrac. Il s’agit de sites internets ou applications qui facilitent la vie du consommateur. Comment ? En déterminant, les divers magasins à proximité. Jeanne Cornevin est à l’initiative de l’un d’entre eux : Abracada’vrac.
« Le site est gratuit pour les utilisateurs et ce sont les commerçants qui payent un abonnement annuel pour référencer leurs produits. Pour ces derniers cela s’apparente à un service de publicité qui apporte très vite une rentabilité. En effet, l’abonnement est très abordable. Il suffit que deux ou trois clients reviennent une fois par mois pour que cela soit rentable » – indique Jeanne Cornevin. Avec une vingtaine de magasins à Lyon et une dizaine à Paris, le localisateur compte déjà 6 000 utilisateurs. « Il y a 1 700 produits référencés à Lyon et un millier à Paris. Au total, 5000 produits différents potentiellement présentés sur la base de données et chaque produit peut avoir jusqu’à une centaine de nom différents. Le même biscuit par exemple, n’a pas le même nom d’un magasin à l’autre ». En réalité, il faut que la base de données puisse reconnaître les produits ajoutés par les commerçants et ceux recherchés par les usagers. En d’autres termes, si un utilisateur tape le nom d’un produit qu’il connaît, il doit pouvoir le retrouver facilement.
Lever le frein du “où trouver”
D’après l’entrepreneuse, « il faut aujourd’hui être très motivé et entièrement convaincu par la lutte contre les emballages, pour faire toutes ses courses en vrac. Notre but est de lever le premier frein qui est de savoir où trouver son produit et ce, même si un consommateur concerné n’est pas très motivé ». L’idée est de rétablir l’égalité avec les produits emballés dans grandes surfaces alimentaires. « Le premier geste des consommateurs, lorsqu’ils cherchent un produit, est de trouver la solution sur leur téléphone. Notre rôle est donc, de démocratiser le zéro déchet via le numérique » explique la fondatrice d’Abracada’vrac.
Le second problème qui freine le développement de ce mode consommation tient en deux points. D’abord, le nombre d’enseignes vrac sont insuffisantes, à côté du nombre d’enseignes de consommation classiques. Ensuite, l’offre de produits en vrac est restreinte, ne permettant pas de satisfaire la demande du consommateur. Pour Damien Di Cicco de Day by Day : « Il faut parvenir à offrir l’équivalent des produits proposés par la grande distribution, en vrac. Et pour l’instant il n’y a pas encore assez d’offre. On essaye de travailler avec des petits producteurs locaux mais c’est difficile de mettre en magasin tous les produits ». Vicente Rondan constate la même chose chez Biocoop : « Notre chaîne de distribution a fait un test avec magasin éphémère, le Biocoop 21. Il proposait des fruits et légumes, des produits en vracs et un rayon traiteur. Nous nous sommes rendu compte qu’il nous manquait des produits : Nous avions des pâtes en vrac mais pas les sauces tomates qui allaient avec, car elles n’existent pas. Il faudrait que les marques alimentaires s’engagent davantage dans le vrac. ».
Le troisième problème soulevé par le responsable adjoint de l’enseigne bio, se situe dans le manque de conscience des usagers : «Certains clients viennent avec leur propre emballage et leur sac en tissu. D’autres, adoptent le comportement inverse et achètent des sacs krafts. Pour améliorer la situation, il faut sensibiliser davantage les personnes». Pour le gérant de Day by Day, « Les commerçants doivent être actifs sur leur site, sur les réseaux sociaux, être présents sur Google Map et s’investir dans les localisateurs de vrac».
Une dynamique vertueuse
Le manque d’information auprès des usagers participent au manque de conscience des consommateurs. Il n’en reste pas moins que les choses commencent à évoluer, depuis quelques années. « Le zéro-déchet, le vrac, on en parlait pas trop. Moi quand j’en parlais aux gens, je devais tout le temps expliquer en quoi ça consistait. Aujourd’hui tout le monde comprend » – constate la fondatrice d’Abracada-vrac. Les actions de sensibilisation au recyclage, à la protection de l’environnement et à l’économie circulaire, établies par le pouvoir public, mais aussi par les entreprises ont un impact sur les consommateurs.
Pour ces acteurs du sans emballage, la volonté que ce type de consommation devienne la norme est omniprésente. Le développement des localisateurs de vrac, qui disposent de stratégies d’expansion ainsi que l’implication des commerçants dans ce secteur laissent en tout cas espérer que la dynamique ne fait que commencer.